J'ai passé le réveillon seule avec Facebook; mais la vraie fête, pour moi, c'est Noël, et il tombe ici le 7 janvier, 25 décembre au calendrier julien. Cette fête laïque du Nouvel An ne veut pas dire grand chose pour moi, et depuis le temps qu'on se souhaite une année splendide, la précédente ayant rapidement démontré qu'elle décevrait toutes nos attentes, j'ai du mal à y mettre beaucoup de conviction. Mais c'est l'usage, alors meilleurs voeux et tout ça. Pourtant, il me semble qu'il pourrait y avoir une éclaircie dans nos ténèbres, en tous cas d'un point de vue spirituel, on voit mieux que jamais où se situe le bien, où se situe le mal, et de part et d'autre les troupes se forment, les gens se rassemblent. Je souhaite à tout le monde d'ouvrir les yeux et de trouver la bonne place. Que la lumière et l'air pur chassent les miasmes et les créatures immondes..
petite boule d'or
La neige tant attendue est venue d’un seul coup sous forme de tempête.J’étais allée chanter à Rostov avec Katia, et j’ai fait un retour très difficile. La neige fraiche était instable et glissante, il y avait du verglas. Le trajet me demandait une concentration épuisante. Et il faisait déjà nuit noire, évidemment.
Une des chansons que nous répétons pour Noël est extrêmement jolie. « Elle est de la région de Kharkov, a dit Liéna, c’est en Ukraine, mais avant, c’était la Russie ».
Le croissant se promène, se promène dans le ciel,
Appelant, appelant l’aube à le suivre,
Viens avec moi, aube claire,
Viens chercher quelqu’un de riche.
Nous avons trouvé un riche, c’est Mikolka fils de seigneur
Mikolka fils de seigneur est assis à table
Il tient trois coupes dans ses mains
Trois coupes pleines, de même contenance,
Bien remplies et toutes d’or.
L’une de vin vert ,
L’autre de bière de grain
La troisième de miel
Ces chansonsaccompagnaient les quêtes de maison en maison, derrière une grosse étoile et des lanternes. Liéna me demande de chanter un noël français au petit concert prévu dans le restaurant "italien" tenu par des jeunes de Donetsk, à Pereslavl. Mais j'ai remarqué que les gens préféraient quand je chante des chants russes, c'est bizarre mais c'est ainsi. Les chansons françaises sont charmantes, mais les chants russes me plongent dans une autre dimension, et les auditeurs avec.
Déjà, le lendemain, la neige fondait, je crois que nous aurons un de ces hivers "doux" que je déteste, - 1 +1, gel, dégel, regel, le marécage, la patinoire. Aujourd'hui, le temps est parfait, la neige étincelante, le soleil passe à travers les gros nuages. Pourvu que ça dure... Je dois aller chez Vassia Yekhimovitch qui veut faire la révision de la vielle qu'il m'avait fabriquée et me montrer comment m'occuper d'elle. Elle diffère beaucoup de mon autre vielle, celle de Joukovski, elles pourront être complémentaires.. Vassia est un personnage haut en couleurs, et un grand folkloriste. Je pense que je ne vais pas m'ennuyer.
Il habite près de Tver, j'en ai pour quatre heures de route. Au départ, c'est en Carélie, que je devais aller, 900 km... J'aurais mis deux jours, avec escale à Férapontovo, mais il s'est rapproché de Moscou.
Le soleil m'a attirée hors de mon trou, pour le premier de l'an, j'ai marché jusqu'au lac, il y soufflait une bise glaciale, Rita a exigé de retourner dans son sac molletonné. Il était entièrement gelé bien qu'il ne fît en fait pas très froid, - 3... C'est étrange, cette surface immobile, verdâtre, bleuâtre, mate avec quelques accents brillants. En rentrant, j'ai vu cette drôle de maison. Elle est en mauvais état, mais il y aurait un parti à en tirer. De quelle époque est-elle? Une datcha d'artiste-peintre?
Le long de la rivière, les branchages dénudés laissaient voir les églises, leurs grandes croix d'or étincelantes.
Nous assistons
tous à l’installation d’une dictature mondiale ou du moins à des tentatives
arrogantes, et accélérées visant à l’installer, mais toujours dissimulées, bien
qu’imposées d’en haut, sous des prétextes qui en masquent le contenu.
Ainsi plein de
gens, en occident, qui sont persuadés que les Russes sont des brutes, ne comprennent pas la résistance, notemment de l’Eglise, à la loi sur les
violences domestiques, une loi qui permet déjà, dans les pays scandinaves,
d’enlever abusivement les enfants à leur famille sous des prétextes très
légers. On voit aussi des cas de ce genre en France. Et même déjà en Russie, ou
sans avoir une telle loi, les fonctionnaires des services sociaux commettent
des abus de pouvoir et mettent parfois enfants et familles dans des situations
affreuses. Que sera-ce demain, si cette loi est adoptée ?
Si l’on comprend,
comme moi, qu’une dictature de type Big Brother est en voie d’installation par
des gens qui ont une mentalité de mafieux et de satanistes, on regarde chacune
de leurs lois noblement intitulées avec une extrême méfiance. Sous prétexte de
protéger femmes et enfants, c’est d’exercer un total contrôle sur les individus
dès le berceau qu’il s’agit. Et de briser tous liens familiaux et toute
éducation traditionnelle. Cette loi n’est ni plus ni moins que la mise en œuvre
du contrôle d’une bande de créatures des ténèbres sur des gosses qu’elles
dresseront à leur gré sans que les parents puissent rien faire.
J’en ai trouvé le
résumé que voici :
Les « juvénaux » ont le droit de
s’ingérerdans n’importe quelle famille
et d’enlever n’importe quel enfant, à leur gré, sans jugement du tribunal.
La quantité d’enfants dans une famille nuit à la
qualité de vie de chaque enfant, ce qui crée un prétexte pour les enlever. (Donc
si vous avez une famille nombreuse et repeuplez les contrées qui doivent être
livrées par les mêmes malades au remplacement de population et au métissage,
vous êtes déjà susceptible de voir vos enfants placés chez n’importe qui).
Les « juvénaux » évaluent et dictent aux
parents les méthodes obligatoires d’éducation et d’entretien des enfants (si
vous êtes contre la théorie du genre, l’initiation précoce à la sexualité, si
vous donnez une éducation chrétienne à vos enfants, ou trop intellectuelle, ou
Dieu sait quoi encore, on peut vous les enlever) .
Toutes les mesures disciplinaires sont interdites
en famille. La punition est une violence et contrevient aux droits des enfants
(car si les éducateurs peuvent désormais se permettre de montrer à vos gosses
les bienfaits de la masturbation décomplexée, vous, vous n’avez pas le droit de
leur donner la fessée qui part toute seule et qui semble même attendue comme une catharsis. Or les
meilleurs gosses que j’ai vus de ma vie, les plus attachants, les plus
gentiment spontanés, avaient une éducation stricte, où on ne les battait pas
comme plâtre, mais où le père était à la fois admiré et respecté).
Les droits des enfants sont supérieurs à ceux des
parents. Les parents sont présumés coupables.
La justice
juvénale est une instance particulière qui n’est pas soumise aux tribunaux
internes et externes au pays (c’est-à-dire que tout cela provient bien du même
endroit que la théorie du genre et autres absurdités destructrices, des
instances supranationales qui sont, toute personne consciente doit le savoir à
présent, entre les mains d’une caste mafieuse au dessus des lois qui est en
même temps une secte.)
Par conséquent,
les Russes et l’Eglise russe font preuve d’un discernement réconfortant en ne
se laissant pas piéger à la culpabilité et aux bonnes paroles. Vous confieriez
l’éducation de vos enfants à Georges Soros, aux époux Clinton ? A l’ogre
du Petit Poucet ? A Gilles de Rais ?
Parallèlement,
nous voyons surgir ce qui est
pudiquement appelé « la loi sur les libertés religieuses » au
Monténégro, qui n’est rien d’autre qu’une spoliation éhontée de l’Eglise serbe,
devant à mon avis précéder, comme en Ukraine, l’installation d’une « Eglise
autocéphale ». Mais la plupart des occidentaux voient écrit :
« liberté religieuse » et hochent la tête avec approbation, comme
lorsqu’ils voient « démocratie » ou « droits » des uns et
des autres. C’est déjà un réflexe de Pavlov bien installé. La loi en question
est destinée à casser l’orthodoxie, dernier bastion d’un christianisme cohérent
et authentique, et va déclencher sur place les mêmes persécutions qu’en
Ukraine. De surcroît, le patriarche Irénée ayantrésisté aux intimidations mafieuses de la
CIA, il convient de le punir en déclenchant ces désordres. Ensuite, on ira
faire la même chose en Tchécoslovaquie, où des jalons ont déjà été posés, en
Géorgie. Et Pompeo s’apprête à aller en Biélorussie, essayer de trouver des
maillons faibles. En fait, partout où est allé le patriarche Bartholomée
essayer de faire reconnaître son golem autocéphale ukrainien, dirigé par un aventurier
notoire et grotesque, déguisé en métropolite, il a été précédé d’une délégation
américaine décidée à préparer le terrain, la carotte dans une main et le bâton
dans l’autre. Mais plein d’imbéciles font encore une fixette sur le KGB fantôme
qui n’existe plus en tant que police politique depuis la Perestroïka, ou
disons, les années Eltsine.
Pour ne pas voir
que l’Amérique tente de diriger le monde à la manière dont Al Capone
administrait Chicago, il faut vraiment délibérément fermer les yeux.
Tout nous est,
avec une grande fourberie, présenté sous le paquet cadeau d’intentions
magnifiques. Ainsi le pape qui nous livre avec enthousiasme au génocide par
submersion migratoire et métissage forcé, indifférent à la détresse matérielle
et morale croissantes des indigènes, aux abus dont ils sont l’objet, aux
persécutions religieuses (et politiques) de plus en plus patentes, accommode
l’Evangile à la sauce bisounours pour nous faire accepter ce qui mettait nos
ancêtres à cheval, flamberge au vent, tandis que les manants faisaient chauffer
l’huile bouillante aux créneaux. A cela, j’ai trouvé pour réponse une anecdote
du métropolite Antoine de Souroj, homme de Dieu irréprochable :
"Je dirigeais une fois la retraite de carême
pour les étudiants d'Oxford, et à mon premier entretien, je ne sais plus ce que
j'avais dit, un de ceux-ci s'approche de moi et me dit:
- Je quitte la retraite, vous n'êtes pas chrétien.
Je dis:
- Bon, quitte-la, mais explique-moi au moins en
quoi je ne suis pas chrétien?
Il dit:
- Vous n'êtes pas pacifiste.
Je dis:
- Non, je ne suis pas pacifiste, je ne crois pas
qu'il ne faut jamais réagir. Et toi, tu es pacifiste?
Il répond:
- Oui.
- Et tu es prêt à aller jusqu'au bout dans ton
pacifisme?
- Oui, jusqu'au bout.
- Eh bien alors réponds à ma question. Tu entres
dans ta chambre et tu vois qu'un voyou s'apprête à violer ta fiancée. Que
fais-tu?
Il me dit:
- J'essaie de le convaincre de renoncer à sa
mauvaise intention.
- Bien, supposons que pendant que tu lui fais un
discours, il continue son affaire.
- Je me mets à genoux, et je prie Dieu d'empêcher
cela.
- Eh bien, et si quand même tout se produit, il se
lève et il s'en va, que fais-tu?
- Je prie Dieu pour que de ce mal sorte un bien.
- Tu sais quoi? Si j'étais ta fiancée, je
chercherais quelqu'un d'autre, parce que oui, ta démarche est cohérente, mais
c'est quand même épouvantable!"
En
effet, c’est épouvantable, un pape qui livre ses ouailles aux infidèles et
participe à la transformation de l’Europe en gigantesque Kossovo. Comme il va
exactement dans le sens de la caste qui fiche la pagaille en Ukraine et au
Monténégro, et cherche à pourrir la Russie de l’intérieur, toujours à l’affût
du maillon faible, du traître qui va faciliter ce sale travail, nous pouvons en
conclure qu’il est à son service.
Cependant, le soulèvement serbe est spectaculaire et bénéficie du
soutien musulman local, de même qu’un ministre tchétchène a fait un discours
enflammé pour soutenir la Russie orthodoxe éternelle qu’il respecte, contre les
« valeurs occidentales » qu’il méprise. Peut-être va-t-il se produire
quelque chose de salvateur…
Cela fait déjà un
moment que les ressemblances entre le communisme bolchevique d’il y a un siècle
et le bolcho-capitalisme qui s’installe commencent à m’apparaître. Mais le
second s’exprime un peu différemment. Pas de camps de concentration, en tous
cas pas pour l’instant. Mais les paysans ont presque tous disparus, les
derniers se suicident en série. C’est me semble-t-il mieux réussi que la
collectivisation atroce des années 30 qui fait un peu désordre et a laissé
subsister quand même quelques kolkhosiens et leur folklore, depuis longtemps
oublié chez nous par les « exploitants agricoles ». Les campagnes,
les petits commerces, les artisans sont l’objet depuis longtemps de
persécutions subtiles, l’URSSAF, les normes européennes, les impôts, le manque
de considération, et maintenant, cela ne vous étonne pas que les tribunaux donnent
toujours raison aux emmerdeurs qui ne supportent pas le chant du coq ni les
sonnailles des vaches, et font déménager des gens de leur ferme ancestrale ou
fermer des boulangeries ? Dans tous pays et civilisation normaux, les
nécessités du travail passeraient avant les caprices des mauvais coucheurs…
Pas de destruction officielle d'églises, pas de persécutions avouées, mais l'incendie jamais poursuivi et même rarement commenté dans la presse, de nombreuses églises, dont Notre Dame dont on ne me fera jamais croire qu'elle fut victime d'un mégot mal éteint. Et les profanations de cimetières, les destructions de crèche, les intimidations diverses, les sarcasmes, la propagande incessante et imbécile des séries télévisées, des romans, des manuels scolaires, l'histoire effacée et travestie, là aussi on dirait que le libéralo-bolchevisme arrive mieux à ses fins que le bolchevisme en bottes de tchékistes.
Enfin pour ce qui est de la terreur rouge, nous avons plus subtil, nous aurons la terreur noire qui commence d'ailleurs déjà, et à laquelle s'opposer est raciste, d'autant plus qu'en tant que blancs, nous avons à peine le droit d'exister, comme on le démontre à la fois à la population de souche et à celle qu'on lui importe par millions, en lui fournissant toutes les justifications qu'elle attend pour piller, violer, torturer et tabasser impunément.
Il me manque même pas au tableau les spoliations, puisqu'on envisage de rendre la propriété viagère pour tous, sauf pour la poignée de sangsues qui contrôlent le monde, et les appartements communautaires, puisque nous sommes vivement invités, avant d'y être obligés, à héberger les hôtes africains invités par nos satrapes.
Si vous voyez tout cela, on vous dit que vous avez la berlue; ou mauvais esprit.
Cependant,
je viens de regarder des vidéos sur l’ancien ministre Yves Cochet qui m’ont fait réfléchir.
On parle de transhumanisme, de dictature
globaliste, de pucer les gens et de les traquer avec la reconnaissance faciale,
comme en Chine, cet immense abcès de germes toxiques consuméristes dont
certains égarés admirent la « réussite économique ». Mais lui est
persuadé que tout va s’effondrer et qu’on en reviendra aux carrioles attelées d’ici
15 ans, il se prépare à vivre en autarcie sur sa ferme. Je ne suis pas éloignée
de le croire, en réalité, c’est même ce qui m’aide à supporter tout ce que je
vois de révoltant. On accumule trop de méfaits et de monstrueuses bêtises pour
que cela puisse encore durer bien longtemps. Et là, je ne parle même pas de
justice divine mais de l’enchaînement des causes et des conséquences.La fantastique nuisance de la civilisation
technologique fondée par le capitalisme arrive certainement au bout de son
ubris déchaînée.
Il ne
reste plus qu’à se tourner vers Dieu, à lui faire vraiment confiance au sein du
maelstrom qui nous engouffre tous dans le fracas des clameurs médiatiques et des cris impuissants de rage et de terreur. Ce que je ne fais pas assez.
Petit aller-et-retour à Moscou. Le père Basile y était de passage, pour une conférence au monastère Sretenski, et nous nous sommes rencontrés chez Dany et Iouri, qui habitent à côté. Le père Basile a choisi la Russie et l'Orthodoxie en 94, au moment où je suis partie travailler à Moscou. Il en a vu des vertes et des pas mûres, mais il a fort heureusement le sens de l'humour. Le voici maintenant archimandrite du monastère de la sainte Trinité à Tcheboksary, en Tchouvachie. Il a évoqué les feux d'artifice incessants qui troublent le repos et la prière des moines, mais auxquels il s'est habitué et qu'il considère même comme un moyen d'acquérir patience et indulgence envers les péchés des autres...
Le père Basile a été rejoint à Tcheboksary, après bien des péripéties, par un autre Français, Nicolas, ancien policier écoeuré par ce que devenait en France le travail des forces de l'ordre. A 200 km de là, à Samara, c'est toute une famille qui s'est installée et qui a épousé la foi orthodoxe.
Comme Iouri parle français, nous avons passé une soirée francophone, entre l'archimandrite vendéen, le poète rescapé du Donbass, l'actrice parisienne et la Française de Pereslavl... Nous avons commenté le retour de l'archevêché russe de Daru dans le patriarcat de Moscou, Dany faisait partie de la délégation, puisqu'elle était un pilier de Daru, et elle nous a montré l'icône que le patriarcat lui a offerte à cette occasion.
Je n'avais pas vu le père Basile depuis cinq ans. Une expédition à Tcheboksary est en projet, possiblement en voiture, car le monastère de Diveïevo, la ville de Nijni Novgorod et autres lieux magnifiques, Arzamas, Gorokhovets, sont plus ou moins sur le trajet.
le père Basile et Dany
Le lendemain, j'étais invitée à fêter l'anniversaire de Sacha Messerer dans un magasin café au sud de Moscou, où avait lieu également une petite exposition des tableaux des deux époux. Ils m'avaient demandé d'apporter ma vielle et de chanter. J'ai trouvé là bas toute une équipe de peintres que j'avais rencontrés à Férapontovo, quand j'avais fait escale à la datcha des Messerer, avant de partir avec eux, et avec Alexandre Pesterev, aux Solovki. Et puis aussi plein de gens qui me connaissaient par facebook mais voulaient me voir en vrai. Je m'attendais à chanter deux chansons, mais c'est presque un concert, que j'ai dû donner! J'ai fait beaucoup de mondanités. La soirée était très chaleureuse, le local petit et bohême, les propriétaires ont absolument tenu à me faire un cadeau, une couverture en cuir pour mon passeport, créée par un des artistes et artisans dont elles vendent les oeuvres. J'ai rencontré une jeune femme dont la tête me disait vraiment quelque chose, une connaissance Facebook, mais j'ai l'impression de l'avoir déjà vue en chair et en os. Une jeune femme éclatante, très sympathique, qui confectionne de magnifiques vêtements typiques russes, avec des imprimés de couleurs vives, mais jamais criardes, qu'elle m'a montrés sur place. Elle a aussi une datcha dans le nord, et nous allons nous revoir. J'ai vu aussi le peintre Oleg qui m'avait donné un tableau à Ferapontovo, et parlé de l'île d'Anzer, il a l'intention de passer chez moi à Pereslavl. J'ai rencontré un monsieur qui parlait bien français et revenait de Bourgogne, avec sa femme, un biologiste. Il avait complètement adopté Rita, qu'il tenait sous son bras, lui évitant d'être piétinée par l'assistance. En fait, je rencontre tellement de gens que cela me donne un peu le tournis. Ils sont tous chaleureux et intéressants, ils méritent tous de l'attention, et j'ai l'impression de ne jamais en avoir assez pour tout le monde. Je suis obligée de me mettre en quatre...
J'ai vu aussi mon père Valentin et sa famille, mais je n'avais plus de forces pour passer chez Xioucha. Plus la force de parler, et chez le père Valentin, je m'assoupissais sur ma chaise, il m'a envoyée me coucher: "Je vous donne ma bénédiction pour aller dormir, le sommeil ne nous a pas été donné pour rien par le Créateur"!
C'est ainsi que j'ai passé la Noël grégorienne.
Triste solstice sans neige, si gris, si misérable, les cabanes construites n'importe comment, n'importe où, dans une accumulation chaotique hideuse, où se ressent la complète aliénation de ceux qui les ont construites et qui les habitent par rapport à la nature environnante, ou aux maisons voisines, c'est-à-dire plus généralement, à l'Autre. Et dans les herbes jaunies, au bord des chemins boueux, les ordures jetées dans le complet mépris de l'endroit que l'on souille de sa présence indiscrète, et des gens qui y résident également et voudraient peut-être ne pas voir ça...
L'été ces disgrâces sont maquillées par la verdure, les fleurs sauvages, et quand l'hiver est normal, la neige les recouvre de sa surface pure et lumineuse. Cela rend tout cela acceptable.
Je suis tombée sur une courte vidéo de la société Obchtcheïe Dielo, la Cause Commune, ces gens vont restaurer bénévolement les magnifiques églises en bois du nord qui brûlent et tombent en ruines les unes après les autres. La vidéo est en russe, mais elle vaut d"être regardée même par ceux qui ne le comprennent pas, pour la beauté des sites et des visages: le prêtre, les restaurateurs ont cette noblesse des traits qui m'a toujours frappée sur les photos anciennes de la Russie, et qu'on trouve déjà moins aujourd'hui. C'est d'ailleurs remarquable non seulement en Russie, mais en France, quand on compare les photos anciennes au Français dénaturé actuel. Ce fait est relevé par quelques commentaires, l'un dit que voici la véritable élite de la Russie, ce qui est parfaitement exact. L'autre que ces visages sont tellement différents de ceux des impudents libéraux en vue qui grouillent sur le devant de la scène, et c'est tout à fait juste. Ces commentaires sont en majorité enthousiastes et louangeurs, ce qui est rassurant. Mais on y trouve quelques couacs qui ont attiré mon attention, parce qu'ils sont classiques et révélateurs.
1) celui qui glisse avec aigreur qu'après tout l"Eglise (bien entendu richissime) n'a qu'à s'occuper de restaurer ces églises, ou bien elle est trop radin pour le faire?
Passons sur le fait que les restaurateurs sont bénévoles. L'église est richissime... Dans l'éparchie de Pereslavl-Zalesski, d'après ce que j'ai compris et constaté, l'évêque n'a trouvé que des dettes, un nombre considérable de merveilles architecturales du passé au bord de l'écroulement, et un nombre en comparaison infime de paroissiens capables de supporter la charge financière de la restauration de cet énorme patrimoine à l'abandon depuis des décennies, quand il n'a pas été délibérément déterioré, car idéologiquement non conforme. Les prêtres sont tous fauchés. Je regardais ce matin les paroissiens à la cathédrale, s'ils peuvent donner cent roubles par personne à la quête, c'est le maximum; cela fait une somme ridicule pour la survie des prêtres et de leur famille, sans aller jusqu'à la restauration des églises. Ces restaurations sont souvent le fait de riches sponsors, c'est pourquoi à Moscou, de ce côté-là tout va bien. Mais en province, et d'autant plus dans le nord, dans les villages ruraux, où les trouver, ces sponsors?...
Ces églises s'écroulent ou brûlent parce que ces villages sont souvent vidés de leurs habitants et lorsqu'ils y vivent encore, ils n'ont plus l'habitude de fréquenter l'église à la suite de décennies de persécutions et de propagande antireligieuse active. On peut dire au sens propre que ces villages perdent ce qu'il reste de leur âme avec leur église, ils perdent tout simplement la vie. Il faut sauver l'église avec le village, mais l'auteur du post, pur produit du soviétisme, ou plus généralement de la modernité, n'a plus aucun lien ni avec la foi, ni avec le village, ni avec son folklore, ni avec ses ancêtres.
L'activité des bénévoles peut servir d'exemple et de motivation, car dans le nord, la mentalité des gens est moins entamée que dans les villes ou d'autres régions. Comme dit l'un d'eux: si une seule âme est sauvée grâce à ce que nous faisons, cela vaut le coup de le faire. C'est aussi mon sentiment, et le folklore s'inscrit dans la même démarche.
2) Celui qui écume de haine devant ces "branleurs" qui ont assez de loisir pour aller restaurer gratis ces églises dont on n'a rien à foutre, qui ne servent à rien, alors que les gens crèvent de faim et que l'on ne construit ni hôpitaux ni écoles.
Celui-ci s'apparente au commentateur précédent, en plus agressif. Notons qu'il est tellement tombé de l'arbre que ces églises, construites par de simples paysans, et si belles, si originales, ne lui font plus ni chaud ni froid, ni la beauté extérieure ni le contenu ne l'atteignent plus, j'ai vu plein de commentateurs français réagir de la même manière après l'incendie de Notre Dame. Ce gars-là, sauf intervention miraculeuse d'un ange gardien efficace, a perdu son âme dans quelque poubelle urbaine et aura du mal à la récupérer. Mais il déteste de toutes ses fibres ceux qui l'ont gardée et montrent de si beaux visages inspirés, comparables à ceux que l'on voit sur les photos des nouveaux martyrs fusillés par le KGB et probablement dénoncés par des gars dans son genre...
J'avais, quand j'avais fait la connaissance de mes cosaques, déjà observé que certaines personnes, indifférentes aux radios qui diffusent de la musique américaine de merde à tue-tête, entraient dans une rage meurtrière lorsque ceux-ci chantaient les chansons de leurs ancêtres dans l'autobus, la rue ou le métro...
Ce type enverrait facilement à la mort des gens qui travaillent pour rien, pour la beauté, pour une seule âme sauvée. Ce n'est vraiment pas un poète...
Notons que le raisonnement du premier commentateur appelle justement l'objection du second: si l'Eglise restaure un sanctuaire, alors on l'accusera de ne pas construire un hôpital. Ces gens-là vivent seulement de pain. Et ne comprennent pas que tout est lié, le sens de la beauté, la spiritualité et l'altruisme...
L'un et l'autre, à mon avis, se fichent d'ailleurs complètement des hôpitaux, que l'on ne construira pas davantage si les églises sont laissées à l'abandon, ce que l'expérience nous prouve tous les jours. Elles sont laissées à l'abandon la plupart du temps, et les hôpitaux aussi, ce qu'on construit, ce sont des cliniques privées.
3) Le gentil nigaud qui propose de restaurer plutôt cela en dur. Le bois, ça brûle, quelle utilité de rafistoler du bois quand on pourrait tout casser et construire à la place une horreur en béton éternelle?
Ah oui... effectivement, que répondre à cela? C'est la démarche d'esprit qui a détruit complètement la beauté et la poésie de Pereslavl. Qui préside au massacre de Moscou, et en général de tout ce qui est beau dans notre pauvre monde de plus en plus défiguré.
Le journaliste Yegor Kholmogorov vient d'écrire un papier sur l'adoration d'une partie des gens pour Staline, où il exprime que celui-ci prenait la Russie antérieure à 17 pour un Congo blanc. Il en était de même des bolcheviques, et je dois dire, depuis Pierre le Grand, dans une certaine mesure, de la noblesse occidentalisée. Kholmogorov démontre qu'il n'en était rien, sur un plan culturel comme sur un plan économique. En réalité, pour toute personne s'intéressant vraiment à ce pays pour ce qu'il est, et non pour des raisons idéologiques, la chose est évidente. Et sans aller jusqu'aux données sur l'économie qui me restent hérmétiques, ni revenir sur la floraison de génies du XIX° siècle dans le domaine de la littérature, des arts et des arts décoratifs, il suffit de regarder ce que faisaient les gens du peuple, leurs vêtements, leurs isbas d'une beauté fantastique, les objets de leur quotidien, leurs magnifiques chansons, leurs danses, et aussi ces églises de bois d'une architecture unique. Nous sommes là devant une civilisation paysanne chrétienne et païenne à la fois d'une rare perfection, d'une grande poésie, d'une grande originalité, devant quelque chose d'absolument féérique... Mais cela n'intéresse pas l'intellectuel libéral, comme cela n'intéressait pas l'intellectuel soviétique, et même, le principal souci des barbares au pouvoir a été d'éliminer le plus possible toutes traces de cet univers pour mieux accréditer la légende univoque d'une Russie ténébreuse et attardée, d'un Congo blanc qui justifiât la terreur exercée contre ses habitants, l'extermination de ses paysans et aussi des représentants les plus illustres de son intelligentsia.
Tout ce qui rappelle cette beauté, cette noblesse et cette poésie perdues aux résultats mutilés pitoyables de cette expérience moderniste féroce leur est haïssable, comme la lumière de Dieu l'est aux damnés.
J'ai lu parallèlement un commentaire sur la propagande antichrétienne acharnée, énorme, éhontée qui s'exerce en France et va de pair avec la destruction organisée de nos églises de la part du bolcho-capitalisme mondialiste totalitaire qui se met en place. Certes la République a sévi chez nous pendant deux cents ans, mais du temps de mon enfance, on voyait encore à la télé "le dialogue des Carmélites" ou "monsieur Vincent". Dans le cadre de la prise de pouvoir intellectuelle, puis politique des trotskistes de 1968 et de l'autodestruction de l'Eglise post-conciliaire, s'est installé un antichristianisme virulent, systématique, accompagné d'une réécriture de l'histoire de plus en plus fantasmagorique, à l'école, dans les manuels, mais aussi dans la presse, et les romans, et les séries télévisées. On attribue par exemple à des nobles et guerriers du moyen âge les calculs d'une mentalité parfaitement contemporaine, "convertir les gens pour les soumettre", ce qui n'existait pas dans la nature. Car si l'on soumettait bien entendu les gens à l'occasion, les convertir dans ce but n'entrait pas dans les structures mentales de l'époque, où les gens croyaient sincèrement, où le pire des reîtres pouvait croire et d'ailleurs brusquement tout lâcher pour entrer au couvent. On bourre le mou des gens à longueur de temps, de sorte qu'ils ne savent plus qui ils sont ni d'où ils sortent, haïssent "les religions" sans savoir ce que ce terme recouvre, et se résignent à se dissoudre dans l'Afrique et l'islam parce qu'on leur matraque à longueur de temps qu'ils ne sont pas dignes d'exister et que tout ce que leurs ancêtres ont fait est une insulte au genre humain. Comme une partie des Russes, ou disons des post-soviétiques, la plupart des Français honnissent leur patrie dans son expression millénaire et tout spécialement ce dont ils devraient être le plus fiers, leur moyen âge et leur paysannerie. Pour les uns, la Russie commence en 17, pour les autres, la France commence en 1789. Au delà de ces dates règnent les ténèbres.
Est-ce un hasard si, en Russie comme en France, on en est arrivé là? Et pourquoi suis-je plus à l'aise en Russie qu'en France, si entre le fruit de la république franc-maçonne et du trotskisme réunis, et celui de soixante-dix ans de soviétisme, la différence n'est pas si grande?
Je suis tombée sur une citation de Bernanos qui m'a plongée dans des abîmes de réflexion précisément sur ce thème:
"Lorsqu'on a déjà tant de mal à être français, le plus furtif regard jeté sur l'abîme des siècles qui, à notre droite et à notre gauche, nous sépare des aïeux, risque de nous donner le vertige. Quoi! Nous sommes déjà si loin, si seuls?“
Car c'était là exactement mon état d'esprit quand je me trouvais en France, pays par ailleurs aimable et ravissant, où il faisait bon vivre. Les siècles ouvraient entre la France, la vraie, celle des aïeux, et moi, si loin et si seule, un abîme vertigineux, or déjà, quand je me suis intéressée dans mon adolescence à la Russie, je sentais que cet abîme des siècles était beaucoup moins grand entre le Russe actuel, même soviétique, et le Russe de la sainte Russie. Et en effet, il ne s'agissait alors pas de siècles, mais de décennies. La révolution faisait encore partie du passé récent, pour moi qui suis née trente-cinq ans après qu'elle se fût produite. Alors que la France avait commencé à dériver depuis beaucoup plus longtemps. Depuis la révolution, mais aussi depuis la renaissance, et qu'est-ce qui avait amené cette renaissance? Comment me greffer spirituellement sur la France, quand l'Eglise elle-même reniait ce qu'elle avait été, et l'esprit qui avait présidé à l'élaboration séculaire de notre pays? C'est là que l'orthodoxie est venu pour moi combler cet abîme des siècles, comme me le disait le père Barsanuphe: "Pourquoi regretter le moyen âge, depuis que vous êtes orthodoxe, n'êtes-vous pas intérieurement au moyen âge?"
J'avais senti que cet abîme des siècles, cette faille n'existaient pas chez les Russes dès que j'avais connu leur littérature. Si je lisais les écrivains français du XIX° siècle, je me trouvais déjà piégée dans la modernité, "loin et seule", tandis que les écrivains russes me plongeaient dans un monde apparemment moderne mais en substance profondément médiéval. Dans l'histoire russe, il y avait la rupture du schisme des vieux-croyants, l'occidentalisation forcée de la noblesse par Pierre le Grand, et les fâcheuses influences occidentales sur la liturgie, l'iconographie et l'architecture des Russes. Et puis la révolution, naturellement. Mais même dans les films soviétiques, le courant de la source originelle passait encore.
De sorte que ma patrie s'est révélée plus inscrite dans le temps que dans l'espace, plus spirituelle que génétique, et je n'ai pu la retrouver que par ce détour russe qui m'a fait franchir "l'abîme des siècles". Dans la Russie contemporaine, on trouve des mutants de la modernité et l'on trouve encore pas mal de gens qui vivent dans la continuité de l'entité russe millénaire, alors qu'en France, même l'Eglise s'est acharnée à déraciner la population, elle s'est déracinée elle-même, son pape nous voue à la disparition, et la paysannerie a été plus sûrement laminée par l'Union Européenne que la paysannerie russe par les massacres de la collectivisation.
Cette nuit et ce matin le vent a soufflé en tempête, et Rita n'osait sortir faire pipi de peur de s'envoler. En revanche Stacha, Moustachon aime bien sortir par tous les temps, rentrer à toute vitesse, froid et mouillé, traverser la maison en bondissant et me sauter dessus. C'est un chat amical, débonnaire, qui ne demande qu'à copiner et n'y arrive qu'avec Rita. Il m'adule avec un enthousiasme balourd.
Toujours pas de neige. Il fait anormalement chaud, mais cela ne veut pas dire que nous ayons un temps subtropical. Nous avons le seul degré qui permet à l'eau de tomber sous forme de pluie glaciale, et à l'environnement de rester boueux, jaunâtre, marronnasse et tristoune. L'Angleterre de Dickens... aucune envie de sortir, et si je le fais, la tentation est grande d'aller au café la Forêt me réchauffer avec un thé accompagné d'un rubis, d'un royal ou d'un succès...
Enfin, plus que trois mois avant un embryon de printemps...
Je suis allée me faire radiographier les genoux à la clinique Slavitch, pas plus riante que l'hôpital municipal. Et là, la radiologue me demande: "Pourquoi votre médecin vous envoie-t-il chez nous, alors que sur place, ils ont un meilleur matériel? Nous, nous achetons le nôtre, mais eux, c'est l'Etat qui le leur fournit. Il est plus récent."
Demain, je vais faire l'IRM des mêmes genoux, dans un autre centre privé. Comme ça, tout sera clair.
J'ai parfois des appréhensions envers la médecine russe, mais je dois dire qu'un chirurgien m'avait saboté le poignet à Montélimar, et avait eu avec moi un comportement désinvolte et sadique, alors qu'on m'avait rattrapé ça à l'institut Sklifasovski, qui était glacial et délabré, et avec beaucoup d'humanité. De même le seul endroit où j'ai trouvé pour mes migraines une aide efficace, c'était le centre anti migraine privé de Moscou.
°°°
J'ai traduit un scénario, par pure faiblesse, parce que j'en connais l'auteur, et qu'il est bien gentil; il est bien gentil, mais il a la mentalité de ceux qui, n'ayant pas de racines, s'emploient à déraciner les autres, comme disait Simone Weil, la seule, la vraie, l'interlocutrice de Gustave Thibon. Il s'attendrit ainsi sur une famille d'immigrés Tadjiks, et je n'ai rien contre les Tadjiks, mais la thèse, c'est que les frontières sont artificielles, la Russie le résultat de migrations incessantes (ce que démentent les analyses génétiques, il y a un fond génétique slave commun aux trois Russie et finalement très peu mélangé. Ici, les Russes ont trouvé des finnois, et ils se sont mélangés avec eux. mais c'est à peu près tout. Seule l'aristocratie russe présente un certain pourcentage de sang tataro-mongol, parce que ceux-ci se sont parfois convertis au christianisme, comme au temps d'Ivan le terrible, et qu'il y avait des mariages). Il y a toujours eu des étrangers en Russie, c'est vrai, mais pas des millions, et ils devenaient Russes assez rapidement, il n'est que de regarder la famille impériale martyre, dont même les pièces rapportées récentes s'étaient complètement russifiées. Le propos est donc que les Russes n'existent pas vraiment, que ce sont tous des vieux réacs, qu'ils ne font pas de gosses et place aux Tadjiks. Ce qui me rappelle fortement les raisonnements qui conduisent en ce moment à l'anénantissement de la culture européenne, des peuples européens, de la chrétienté, trahis par leurs intelligentsia et même leur clergé. Ces peuples ont été saignés par la guerre de 14, privés de leur paysannerie, leur ferme enracinement dans la culture ancestrale, abrutis par la télé, complexés par la presse et l'école, déconstruits et dressés afin d'être absolument sans défense ni réaction devant le génocide sournois qui se profile. Quand à la Russie, on a beau jeu de parler de son déficit démographique après en avoir pareillement et méthodiquement exterminé la paysannerie qui constituait l'essentiel de sa population. Ceci me rappelle également une technique dont raffollent les fonctionnaires, apparatchiks et requins immobiliers du post-soviétisme: pour récupérer l'emplacement d'un monument culturel, de type église ou palais d'autrefois, il suffit de ne pas l'entretenir, et de déclarer ensuite que c'est une ruine dont il n'y a plus rien à tirer, de la détruire et de construire à la place une grosse merde rentable. De laisser défigurer une ville de l'anneau d'or, puis de la déclasser pour pouvoir achever le travail. De même, on détruit la famille, on détruit l'éducation, on détruit la mémoire, on détruit les traditions, tous les codes de communication qui font d'un amas d'individus isolés dans la foule, genre poissons de banc, une entité vivante et puissante, avec un présent riche d'un passé insondable, et après on parle avec mépris des clochards hagards qu'on obtient à l'arrivée: la "populace" des libéraux russes, les gilets jaunes raillés par les mafieux diplômés qui ont confisqué le pouvoir en France, et tous leurs histrions de la presse et du spectacle. Et on lâche les vannes des populations allogènes surnuméraires qui nous submergeront sans savoir quoi faire des pays récupérés, avec lesquels elles n'ont aucune affinité, et nous massacrerons avec d'autant plus de rage qu'on les absout systématiquement et qu'elles ne trouvent pas vraiment la paradis promis par les malfaiteurs qui les poussent à partir et nous à nous prosterner. Assister à cela est la tragédie de ma vieillesse, et cela me console de ne pas avoir d'enfants, bien que je déplore de ne pas avoir trouvé avec qui en faire, et comme par hasard, je suis loin d'être la seule à n'avoir pas pu, et ce n'était pas un choix. Nous étions déboussolés par une société de plus en plus anormale, où les hommes, débarrassés de la nécessité du mariage par la libération sexuelle, trouvaient bien pratique de ne pas s'engager, et la chose la plus naturelle et facile du monde, convoler et procréer, devenait l'objet d'une lutte désespérée, avec peintures de guerre obligatoires, visites de restaurants et de boîtes de nuit, rivalités entre copines, baisouilles sinistres, parfois mariage à l'arraché avec un imbécile obstiné ou un mâle fatigué de se défendre. Et dans ce cas-là, le mari obtenu, faire le nombre d'enfants nécessaire au rajeunissement de la population n'était pas gagné non plus, car la libération de la femme impliquant qu'elle travaille du matin au soir pour un patron dont elle n'avait rien à foutre plutôt que pour un mari et des gosses qui lui étaient chers, on fabriquait tout juste ou un deux moutards qu'on balançait à la crèche le matin à 7 heures et qu'on récupérait le soir à la même heure et collait devant la télé pour avoir un peu la paix avant d'aller dormir et de retourner bosser de toutes ses forces pour son employeur. S'entendre mépriser par ceux qui nous ont fait ce monde et nous remplacent joyeusement à présent, est je dois dire assez difficile à supporter pour ceux qui sont restés lucides. Avoir vu, comme moi, comment on a détruit la paysannerie et la campagne et entendre Raymond Barre se réjouir de repeupler nos villages, dépeuplés par ses immondes pareils, avec des colons africains me donne envie de prendre un fusil et de tirer sur tout ce qui bouge, et c'est là que je me félicite d'être partie, j'aurais fini par avoir des problèmes.
Mais alors quand je vois à l'oeuvre ici le même genre de politique et d'intellectuels avides de remplacer les Russes par des Tadjiks ou par n'importe quelle autre ethnie la plus susceptible d'effacer les slaves, je dois dire que je serais prête à tout pour empêcher une chose pareille. Et pourtant, j'ai traduit le scénario de ce mec. Il est vrai qu'il s'adresse à un public européen tout acquis à son propos et qui l'a déjà primé... Il prêche des convaincus.
J'ai essayé de lui expliquer mon point de vue, mais j'ai assez vite renoncé. Nous allons finir par nos engueuler, et c'est tout. Il n'est pas vraiment méchant, mais il a la mentalité qui colle avec cet horrible projet qui nous détruira tous. Il y a des tas de gens comme ça. Je me raccroche à l'idée que le Donbass, par exemple, est capable d'une résistance héroïque encourageante. Que peut-être ce qui restera de la Russie sera le refuge de ceux qui n'accepteront pas avec des sourires niais de se coucher devant leurs colons, et leurs maîtres supranationaux, et que cela compensera le déficit démographique. Comme me l'écrivait un correspondant russe: "Il nous faudra accueillir l'émigration européenne pour sauver la civilisation". Le tout est de tenir dans notre arche jusqu'à la fin du monde....
Un prêtre sur youtube s'insurge contre la dernière loi sociétale "contre la violence" dans les familles, qui vient d'ailleurs, de nos chers bienfaiteurs de la caste. La population russe lui est massivement hostile, non qu'elle approuve la violence conjugale, mais elle sent à juste titre le piège qui est derrière, et l'insistance à imposer cela au mépris de l'opinion publique démontre bien à quel point elle a raison. Il dit qu'avant de promulguer une telle loi, il y aurait urgence à élever les gens autrement, à leur offrir d'autres spectacles que tout ce qui leur empoisonne et détruit l'esprit, et les rend violents et stupides. Il attire l'attention sur le fait que même en Union Soviétique, on respectait au moins officiellement les valeurs humaines éternelles; alors que le libéralisme n'offre qu'une dégradation complète, une existence absurde, le naufrage dans une maison de fou planétaire et totalitaire.
Vendredi soir a eu lieu la bénédiction
du café français, c’est le père Andreï qui s’en est chargé. Gilles ne l’a pas
fait monter à la production, car il craignait que Didier le pâtissier ne pique
une crise. « Eh bien voilà, lui ai-je dit, maintenant, tous les démons
vont partir dans l’escalier et aller se réfugier chez Didier ! »
Du coup le père Andreï est reparti
avec plein de gâteaux, et moi aussi…
Samedi soir, instruite de la
présence de l’évêque, je me suis poussée à aller aux vigiles. C’était
d’ailleurs l’évêque qui confessait les gens lui-même. J’étais émue, je me
disais que ce serait la première fois de ma vie que je me confesserais à un
évêque, mais il n’a pas eu le temps, et c’est au père Andreï que je l’ai fait.
Cependant, alors qu’il confessait une jeune fille, il m’a aperçue et il m’a
fait de grands signes : «Venez, venez… » Je me suis approchée, il m’a
présenté sa pénitente, qui avait toutes sortes de diplômes dont un de français,
et il lui a dit : «C’est notre Française de Pereslavl… » et la jeune
personne de joindre les mains, extatique : « Oh, c’est donc
VOUS ! » Il faudra que je m’habitue à ce genre de réactions, qui me
laissent flattée, mais perplexe !
La jeune fille a pris mes
coordonnées, car elle habite Moscou et n’avait pas le temps de me rencontrer
cette fois-ci. D’après ce que j’ai compris, c’est une fille spirituelle de
notre évêque. A la fin de l’office, quand il distribue sa bénédiction à tout le
monde, il me l’a recommandée : « Ce sera très bien pour elle, de vous
fréquenter !
- Oui, elle pourra pratiquer le
français…
- Oh mais non, enfin si, mais ce n’est
pas le principal, je pense que vous avez beaucoup à lui apporter, je pense que
vous avez un grand cœur, au sens chrétien du terme… »
S’il le pense, c’est que ce ne doit
pas être faux, j’espère ne pas le décevoir.
J’ai parlé au père Andreï de mon
amour de la vie, des bonnes chose de la vie, je lui ai dit que j'avais du mal à m'en détacher, ce qui serait pourtant nécessaire, à mon âge, et à surmonter la tristesse d'être restée seule :
«je sais que même dans l’au-delà aucun mari ne m’attend, et vous ne pouvez pas
savoir comme cela me déprime. »Pour
l’amour de la vie, il m’a dit : « Le monde qu’il nous est prescrit de
mépriser, c’est surtout le monde social, la richesse, le paraître, l’orgueil, le
pouvoir, les intrigues, mais les bonnes choses de la vie n’ont pas été créées
pour rien, et saint Jean de Cronstadt disait aux jeunes gens trop excessifs de
ne pas les mépriser, et de danser, par exemple, comme leur âge le réclamait.
- Mais alors pourquoi n’a-t-il
jamais touché sa femme ?
- Mais c’était un cas très spécial,
c’est même le seul cas qui ait jamais existé de ce genre, il avait eu une
illumination, enfin, c’est le seul et il avait ses raisons! »
Je n’ai jamais compris personnellement
pourquoi saint Jean de Cronstadt n’était pas devenu hiéromoine plutôt que de se
marier avec une femme en lui imposant une chasteté dont elle n’avait peut-être
vraiment pas envie. Enfin moi, à sa place, je ne l’aurais pas très bien pris.
A un moment des vigiles, avant l’exhapsalme,
on a coupé toute lumière électrique, quelle beauté, tout à coup… l’iconostase,
éclairée par les cierges et les lampades, semblait habitée d’un doux feu intérieur,
comme un grand cristal, un feu qui se reflétait sur les vêtements dorés du diacre,
et ce jeune diacre chantait admirablement bien, et avec une grande simplicité, sans
effets de voix.
Je me dis parfois que je n’ai plus d’afflux
de grâce, comme j’ai eu deux ou trois fois dans ma vie, il y a déjà longtemps,
mais je me rends compte que la pâte travaille avec lenteur, et que mon être se
transforme.
Le chaton Stacha ne me quitte pas d'une semelle, un de plus. Il me fait des câlins éperdus, même trop. Je l'ai emmené chez le vétérinaire et il était très inquiet, il devait avoir peur d'être chassé du paradis, mais sur place, il a compris que c'était une formalité et que je ne le larguais pas dans la nature. Il s'entend bien avec Ritoulia, ils jouent ensemble. D'après la véto, il aurait dans les quatre mois, et il sera probablement énorme. C'est une pierre dans le jardin de Georgette, mais elle garde ses prégoratives, c'est juste qu'elle ne supporte pas les enfants...
La nuit tombe de plus en plus tôt, ce que favorise le temps couvert. Une éclaircie hier, et un air presque tiède m'ont poussée dehors, jusqu'au magasin le plus proche. Au retour, j'ai vu les chats qui prenaient le soleil sur le perron. Pendant la nuit, le gel est revenu, mais toujours pas de neige pour éclairer tout ça.
J'ai commencé à m'occuper de ma santé. D'une façon générale, en partant en Russie, j'ai fait l'acte de foi de la confier à Dieu, car de ce côté-là, tout est encore plus sûr et plus facile en France, bien que le gouvernement s'applique à détruire les services de santé, comme tout le reste. Mais bon, il faut quand même s'en occuper, si je veux vivre plus longtemps que mes animaux et rester indépendante...
J'ai fait des analyses dans un centre médical situé dans un hôtel. Il y a là un médecin à la fois généraliste et cardiologue, ce qui dans mon cas est plutôt bien. C'est une femme sympathique, elle m'a dit que tout allait bien, sauf le choléstérol, et pour ça, elle m'a prescrit des Oméga 3 pour éviter les statines, et on verra ce que ça donne dans six mois. Elle m'a aussi prescrit un anti inflammatoire sans contrindications fâcheuses, et cela a bien amélioré la situation. Et puis elle m'a envoyée à un "traumatologue-orthopède" et non à un rhumatologue, je pense que c'est une question de dénomination. J'ai payé pour tout cela, parce que je ne sais pas trop où j'en suis avec ma mutuelle française. Mais c'est beaucoup moins cher qu'en France.
La polyclinique d'état que m'avait vivement déconseillée un de ses médecins a maintenant un département payant, c'est la médecine à deux vitesses. Le médecin m'a bien plu, c'est un spécialiste de Moscou, qui travaillait au Centre Européen, usine à fric où j'allais quand je travaillais au lycée, parce que ma mutuelle avait un accord avec cet établissement. Il a décidé de s'éloigner de Moscou, de vivre dans une maison en pleine forêt, et d'aller à son travail en vingt minutes de voiture, sans bouchons ni stress, ce que je comprends parfaitement. Il a parcouru l'Europe, y compris la France, mais c'est un patriote, avec une croix orthodoxe autour du cou, et il ne s'expatrierait jamais. Il adore Pereslavl, le lac, les environs. Il m'a demandé si je fumais, je lui ai répondu que pas depuis vingt ans, mais que j'étais trop portée sur le sucre. "Et alors? Quel est le Français qui n'est pas gourmand?"
Il pense que j'ai, en plus de l'arthrose, un problème de ménisque, sans doute à la suite d'une chute, et c'est vrai que je suis tombée au moins deux fois sur ce malheureux genou gauche. Il m'envoie faire radios, scanner etc... avant de décider d'une thérapie, peut-être opératoire, mais pas la pose d'une prothèse, autre chose, dont j'ai oublié le nom médical, c'est beaucoup plus léger comme intervention. "Et ça coute combien?
- C'est gratuit. Les opérations sont gratuites chez nous, vous ne le saviez pas? Prenez une assurance russe, vous y avez droit.
- Et qui la ferait?
- Moi, ici. Mais faites d'abord tous les examens pour savoir si c'est nécessaire..."
Quand je suis arrivée dans cet hopital qui ne paie vraiment pas de mine, j'ai voulu prendre l'ascenseur, car il y avait cinq étages à grimper, et j'allais y pénetrer, quand une vieille s'est jetée sur moi en gueulant: "Vous allez où?
- Elle va au cinquième, lui lance la réceptionniste, tout est normal."
J'entre dans l'ascenseur et m'apprête à appuyer sur le bouton. "Ne touchez à rien! " rugit la vieille. Puis elle ajoute, avec le plus délicieux des sourires, tout à coup complètement transformée: "C'est mon boulot, l'ascenseur. C'est moi qui m'en occupe."
Je n'ai pas été surprise, les Russes ont souvent ce comportement qui paraît déroutant mais qui est le fait d'une totale spontanéité; de sorte que je ne réagis plus trop quand on m'engueule!