L'hiver arrive avec une rapide brutalité. Hier, un peu de soleil transfigurait les derniers feuillages, et je me suis assise sur la terrasse, il est vrai avec ma doudoune, car j'avais la visite de Boris le cosaque, venu me parler de mon livre 'l'Autre Planète" année 17, et lui aussi aime à prendre l'air et la lumière. Je regardais le ciel, traversé de rayons, les asters, le sedum, tout ce qui va bientôt constituer une bouillie brune sous des couches de neige, et puis le ballet des mésanges autour de leur mangeoire, parmi les feuilles jaunes tourbillonnantes. On ne pouvait pas dire qu'il faisait chaud, quelque chose comme une journée venteuse de décembre dans la basse Drôme. La femme de Boris et Boris lui-même ont adoré le récit que j'ai fait de ma rencontre avec leur famille, la trouvant très justement décrite.
Boris reste perplexe devant les tentatives répétées de blanchiment de rouges, qui font pendant aux blanchiment de bruns, en même temps que de fric, dans l'Ukaine infestée, comme quoi, de chaque côté, on aime bien conserver son ennemi sous la caricature admise, c'est plus confortable pour faire marcher les couillons. Je lui ai dit: "Vous savez, je ne pense pas que le truc puisse revenir sous sa forme précédente, on cherche à justifier tout cela parce que la plupart de ceux qui sont au pouvoir sont issus de la nomenklatura, dont tous les parents avaient trempé là dedans." C'est la thèse de Nazarov, et elle est sans doute juste.
Un de mes correspondants sur VK ne cesse de me casser les pieds avec son révisionnisme, il me chante les louanges de Béria, et j'ai encore à la mémoire le témoignage d'une vieille actrice qu'il avait violée quand elle était jeune et expédiée illico au goulag, et qui en pleurait encore; j'avais utilisé cette histoire dans mon roman "Lueurs à la dérive". Demain, il me dira que Staline avait restauré l'Eglise dans ses droits, parce qu'il avait permis l'ouverture de quelques sanctuaires, pour mieux mobiliser les chrétiens obstinés, mais on continuait à arrêter et fusiller prêtres et croyants et à déporter et affamer les paysans. Dieu que je déteste les idéologies politiques et les idéologues! Je les vomis positivement, depuis la révolution française, jusqu'à nos jours, et j'inclus là dedans les brillants intellectuels du XVIII° siècle et leurs lecteurs frémissants qui ont rendu tous ces cauchemars possibles. Je n'ai même jamais compris l'engouement de mes pareils pour les mensonges politiques, et dire que ce sont ceux-là même qui critiquent la foi religieuse! Ils ne croient pas au caractère sacré et mystérieux du monde, mais ils écoutent avec vénération n'importe quel dictateur braillard et retors, n'importe quel satrape de la ploutocratie.
Depuis au moins deux cents ans que cela dure, enfin depuis qu'on a détruit les gardes-fous qu'étaient les monarchies, on en arrive maintenant au délire absolu, surtout en occident. Du reste, ici, en dépit des dérives néostaliniennes, le personnel politique ne perd, de nos jours et pour l'instant, ni la boule ni la mesure, quoiqu'on puisse lui reprocher par ailleurs; ainsi que le disait Slobodan Despot, "au moins, ils ne sont pas dingues", et je ne crois même pas qu'ils détestent leur peuple. Dans les pire des cas, ils se foutent des gens tant qu'ils ne les gênent pas. Mais en occident... j'ai l'impression que tout le monde devient fou. On entend tout et le contraire de tout. Des gens affirmer avec impudence des contre-vérités, des mensonges énormes, et cela passe, tout le monde gobe. Ceux-là même qui exigeaient qu'on ne fît pas d'amalgames quand les attentats et les incivilités frappaient des franchouillards, crient haro sur le palestinien, comme ils criaient haro sur l'Irak et la Syrie, ou sur le Russe, considèrent toute tentative de conciliation, de prise de recul, de réflexion, comme de la trahison pure et simple, et nous traitent de soumis quand nous refusons de nous faire manipuler et de pousser des clameurs à la commande.
Je travaillais encore à Moscou quand je remarquais que les traqueurs de fachos chez nous, les pourfendeurs de patriotes, d'identitaires et de cathos tradis, étaient totalement aveugles aux monuments qu'érigeaient les pays baltes à la Waffen SS ou aux discours banderistes qui se faisaient jour en Ukraine. Ce qui me devint encore plus évident après le Maïdan, avec les voyages extatiques de BHL au pays 404, lui qui traquait chez nous le drapeau français, les vielles-à-roue et les cornemuses, il ne trouvait rien à redire aux défilés avec croix gammées, aux drapeaux bleu et jaune, aux chemises brodées, pourvu que tout cela servît le chaos projeté et les intérêts obscurs de sa mafia propre sur elle. Silence radio de toutes ces grandes consciences sur les massacres au Donbass, sur les appels au meurtre délirants de la classe politico-médiatique ukrainienne, dont la nôtre était complice. J'avais d'ores et déjà bien compris qu'il y avait les bons et les mauvais morts, et récemment Enthoven me l'a confirmé, en affirmant qu'il y avait d'un côté des victimes, sur lesquels nous devions pleurer à juste titre, et les "dégâts collatéraux". Admirable. Mais le dernier symbole que j'ai vu, et qu'il faudrait encadrer, c'est la projection, à Lvov, du drapeau israélien sur une statue de Bandera. On peut dire là, que la boucle est bouclée.
Je tire mon chapeau à Sébastien Recchia, à son dernier "Restez couchés", où il démasque et pourfend tous ces guignols sinistres, contre lesquels notre population n'a pas encore, ou déjà plus, les anticorps nécessaires pour survivre à leurs miasmes. Il est vrai que les anticorps d'un peuple, c'est sa culture, son histoire et sa spiritualité, nous n'avons plus ni les uns ni les autres, qu'est-ce qui pourrait encore nous unir et nous sauver?
Je dis cela pour la France, mais cela menace le monde entier. Nous sommes la proie d'une maladie mentale planétaire qui nous atteint à des degrés divers. On peut sentir ça et là des signes annonciateurs de prise de conscience et de guérison. Dommage que les barrissements de rhinocéros, les ricanements de hyènes et les hurlements de possédés en étoufffent trop souvent l'écho.
Lvov |