Dernier acte de mon anniversaire, cette fois à Moscou. J'avais loué un loft à Moscou, un endroit très agréable, et cela m'a coûté un peu cher, mais je ne sais pas dans quel état je serai pour le prochain jubilé! Je me suis fait la réflexion que j'avais vécu, sur mes soixante dix ans, plus de vingt ans en Russie, ce qui n'est pas peu...
Quoiqu'il arrive par la suite, je ne le regrette pas, car nous avons tous vécu un grand moment de chaleur, de bonheur, d'amitié, au sein de la tourmente, entre le coronacircus et les délires de l'OTAN et de sa misérable presse. Liéna, la fille du père Valentin, m'a admirablement et efficacement aidée, sans elle, je ne crois pas que je serais arrivée à gérer l'événement! Les invités ont été très généreux, en cadeaux, fleurs, victuailles et boissons, de sorte que la fête a vraiment été notre création commune. J'ai fourni le lieu, ils ont fourni le reste. Nous avons chanté, et nous rayonnions tous ensemble, selon ce phénomène d'amour en miroir qui m'a toujours séduite en Russie, où les gens réflechissent en la décuplant l'affection qu'on leur porte, de sorte que les réunions, pour peu que s'y ajoutent les chants et les danses, les récitations de vers et les compliments réciproques, deviennent des bains réconfortants de chaleur humaine et une recharge d'énergie positive. Je me suis rendu compte après que c'était un peu ce que je décris, quand je montre l'Anglais de mon roman Yarilo séduit par l'ambiance du banquet où le tsar l'a convié, et par la mystérieuse harmonie qui se crée entre des gens pourtant, à la différence de mes invités, cruels, brutaux et souvent ennemis les uns des autres! Qui plus est, le père Valéri, en me remerciant de ce moment, m'a dit que je mettais de la beauté dans tout ce que je touchais, or c'est précisément ce que dit le tsar de son favori Fedka pour expliquer son attachement envers lui! Il y comme cela des correspondances étranges!
Le père Valentin a déclaré que contrairement à beaucoup d'orthodoxes occidentaux qui viennent à l'orthodoxie par les religions orientales ou la quête des origines du christianisme, j'étais passée par la Russie, que j'avais été convertie par le christianisme russe. Avec le père Valéri et le père Dmitri, il était enchanté par les chants traditionnels avec Skountsev, Marina, Kolia Trifilov et moi-même. Mon amie Olga, venue avec son fils Kecha, la femme de celui-ci et leur petit garçon, a écouté avec une profonde émotion la chanson que j'avais composée à la mémoire de ma mère, car elle l'a connue, et la revoyait "avec ses fleurs, ses chats et ses chiens"...
J'avais demandé qu'on en m'apportât ni fleurs ni cadeaux, seulement de quoi boire et manger, l'important étant de faire la fête ensemble, mais j'ai eu tout, des tonnes de bouquets, des livres, des tableaux, des icônes, et le père Valentin m'a offert un carnet de feuilles d'or pour mes icônes. J'ai remarqué que les fleuristes moscovites avaient fait beaucoup de progrès depuis l'époque où j'achetais des fleurs là bas, les bouquets sont raffinés, les roses ont des teintes merveilleuses, inhabituelles, symbolistes.
Quand Rita en a marre des mondanités, elle va dans son sac, me regarde d'un air lamentable, et parfois elle aboie pour me démontrer qu'il est temps de partir!
La fête a été filmée par certains de mes amis:
Au retour, je me suis rendue dans le sous-sol du café la Forêt, où avait lieu une exposition de groupe à laquelle je participais. Il y avait là d'excellents peintres de Pereslavl, et un musicien de talent qui nous a donné un concert de luth, et aussi de romances russes anciennes accompagnées à la guitare. Le monde est petit, c'est un ami de Skountsev. Il était simple, modeste, il avait une bonne bouille. J'ai trouvé que l'événement avait été bien préparé, que tout avait de la classe, Gilles va sûrement réussir à faire de ce sous-sol un vrai lieu culturel. J'ai retrouvé sur place Katia et Nadia, et une jeune femme que je viens de rencontrer, qui parle français et s'ennuie un peu dans le village où elle a fui Moscou, avec son mari et sa petite fille.
Le Donbass, reconnu par la Russie, exulte, la presse occidentale se répand en déclarations théâtrales et fausses, en inversions accusatoires éhontées. Sur Facebook, je vois écumer les imbéciles, je me suis fait traiter de tous les noms par des libéraux "russes" hystériques et je leur ai bien rendu. Mais ce qui compte pour moi, c'est la joie des gens du Donbass, victimes d'une telle oppression, d'une telle injustice, ignorés et calomniés jusque dans les rangs des "Russes", de ceux qui devraient les défendre et crachent sur "ce pays" et sa "populace"... Les gens qui sont sur place savent bien d'où leur est venu le malheur et d'où leur vient le salut.