Alors que la grisaille et le froid s'installent, et les ténèbres, voilà qu'aujourd'hui, le soleil prend congé, et je me rejoue Poucette, se préparant à hiberner dans le terrier de la souris et disant adieu à la nature. J'ai cueilli un bouquet d'orpin, mon orpin est énorme, somptueux, mais le gel va venir, et ces fleurs se conserveront encore quelques temps chez moi, prolongeant l'écho de la fête automnale de leurs grosses ombelles de velours pourpre, distinguées, surannées, comme un chapeau des années 1900. Les asters géants qui bordent ma palissade croulent en cascades violettes, parmi les ultimes feux des feuillages déteints. J'ai jardiné sans doute pour la dernière fois de l'année, malgré la fatigue, puis je me suis installée sur la terrasse, au soleil qui chauffe encore, mais le vent me gelait les doigts. J'ai fait un rapide dessin, pour le continuer plus tard. J'ai joué des gousli, au milieu des animaux, qui saisissaient l'occasion de lézarder, même la vieille Chocha aveugle est sortie un peu. Avec quelle splendeur chatoyaient devant mes yeux tous les détails de mon jardin! Et je ne savais plus si ce qui volait, plongeait, se posait autour de moi, traversant les cages ajourées des frondaisons et les rayons bleus dont elles étaient infusées, étaient des feuilles mortes ou des mésanges jaunes. Cela frémissait, fulgurait et tournoyait dans tous les sens. J'ai vu parmi elles un geai des chênes, ce n'est pas la première fois. Il était là cet hiver. Il paraît que cela mange des glands et des noix et noisettes, c'est peut-être pour cela que je n'en ai pas eu eu une seule, cette année, elles ont toutes disparu. Il faut dire que mon noisetier n'est pas encore très vieux, ni très fourni.
Translate
samedi 21 octobre 2023
Derniers feux
Alors que la grisaille et le froid s'installent, et les ténèbres, voilà qu'aujourd'hui, le soleil prend congé, et je me rejoue Poucette, se préparant à hiberner dans le terrier de la souris et disant adieu à la nature. J'ai cueilli un bouquet d'orpin, mon orpin est énorme, somptueux, mais le gel va venir, et ces fleurs se conserveront encore quelques temps chez moi, prolongeant l'écho de la fête automnale de leurs grosses ombelles de velours pourpre, distinguées, surannées, comme un chapeau des années 1900. Les asters géants qui bordent ma palissade croulent en cascades violettes, parmi les ultimes feux des feuillages déteints. J'ai jardiné sans doute pour la dernière fois de l'année, malgré la fatigue, puis je me suis installée sur la terrasse, au soleil qui chauffe encore, mais le vent me gelait les doigts. J'ai fait un rapide dessin, pour le continuer plus tard. J'ai joué des gousli, au milieu des animaux, qui saisissaient l'occasion de lézarder, même la vieille Chocha aveugle est sortie un peu. Avec quelle splendeur chatoyaient devant mes yeux tous les détails de mon jardin! Et je ne savais plus si ce qui volait, plongeait, se posait autour de moi, traversant les cages ajourées des frondaisons et les rayons bleus dont elles étaient infusées, étaient des feuilles mortes ou des mésanges jaunes. Cela frémissait, fulgurait et tournoyait dans tous les sens. J'ai vu parmi elles un geai des chênes, ce n'est pas la première fois. Il était là cet hiver. Il paraît que cela mange des glands et des noix et noisettes, c'est peut-être pour cela que je n'en ai pas eu eu une seule, cette année, elles ont toutes disparu. Il faut dire que mon noisetier n'est pas encore très vieux, ni très fourni.
vendredi 20 octobre 2023
Vrais pasteurs
Il y a des moments où il est difficile de garder son calme. Que penser de ce que je trouve ce matin dans ma boîte mail? Est-ce que cela ne passe pas toutes les bornes du supportable? Que peut-il se passer dans l'âme d'un patriarche qui agit de cette manière?
Le monde va mal en ce moment - vraiment mal. Il n'est pas nécessaire d'être un scientifique pour s'en rendre compte. Ce dont il n'a pas besoin, c'est que les chefs religieux jettent de l'huile sur le feu. Or, c'est exactement ce qu'a fait Bartholomée.
Selon Orthodox Times, Bartholomée a déclaré qu'il pensait que plusieurs évêques ukrainiens devraient être emprisonnés. [https://spzh.
Bigre, c'est un coup de pied dans la fourmilière. Que diriez-vous d'un coup de pied dans la tête ? Avec des patriarches comme celui-ci, qui a besoin de Néron ? Quelle est la prochaine étape ? L'incarcération des chrétiens ukrainiens ?
Depuis des années, j'essaie d'être aussi charitable que possible envers cet homme. Après tout, je me suis rendu à Istanbul et j'ai vu les contraintes auxquelles il a dû se soumettre. À vrai dire, les chrétiens d'Istanbul ont eu la vie dure pendant plus de 500 ans et ils ont essayé d'en tirer le meilleur parti.
Bartholomée, lui, ne fait qu'empirer les choses, quelles qu'elles soient. Sur le plan géopolitique, il a franchi une ligne rouge après l'autre.
Mais ce dernier coup d'éclat va trop loin.
Que reste-t-il ? L'apostasie ? L'acceptation ouverte du mariage homosexuel, de l'avortement sur demande, ou des prêtresses ?
Je ne suis qu'un laïc, mais je n'hésite pas à demander à nos évêques de prendre les devants et de convoquer immédiatement un concile. S'ils ne le font pas, les fissures qui existent actuellement au sein de l'Orthodoxie se durciront et deviendront des gouffres permanents. Pire encore, des schismes éclateront au sein des Églises locales, en particulier les Églises de Grèce, de Chypre et même de Constantinople.
Messieurs, la balle est dans votre camp. Vous devrez répondre au verdict de l'histoire. Mais il y a aussi un verdict final auquel vous devrez répondre*. C'est celui-là qui m'inquiète le plus.
Version française Claude Lopez-Ginisdty
d'après
Et dans la foulée, voici ce que je trouve: https://orthochristian.com/156751.html?fbclid=IwAR0o9v6GmqY808hD_Olk5XB6Exa9RDOdbW-AE0V1KUt27kX1cLUK5rdZxJI
C'est-à-dire que le but est d'éradiquer l'Eglise, une Eglise particulièrement digne, et je le sais, parce que je suis les événements depuis des années. Pour acculer les gens soit à apostasier complètement, soit à se tourner vers un bouffon mitré, adoubé par l'instrument d'une mafia maléfique, vers une parodie de christianisme, une parodie grotesque, comme au temps de la révolution française et de la révolution russe, et pour les mêmes raisons. Mon amour, mon respect et ma compassion vont tout entiers au métropolite Onuphre, au métropolite Longin, au métropolite Paul, au métropolite Luc, au métropolite Bessarion, au métropolite Théodose, au métropolite Arséni, dont la Laure abrite des réfugiés, bombardés récemment dans cet asile, qui sera sans doute fermé et profané, comme la laure de Kiev, où se trémoussent à présent des donzelles avec des diadèmes jaunes et bleus, au rythme d'une musique stupide. Après cela, me dit une amie, on ne peut plus éspérer que le retour du Christ, pour mettre fin à ces abominations.
Un autre asile est bombardé de la même manière, ailleurs. Un autre métropolite choisit son troupeau et parle en son nom. Il y a des hiérarques qui sont de vrais pasteurs, et d'autres qui s'allient aux chacals et aux hyènes : https://orthochristian.com/156751.html?fbclid=IwAR0n0bYNCABfuHTfxlsoSRPGZpSzYWJ96vcJ3RCKrMkxUeBF4LESNVoOG4Q
Qu'il y ait un lien entre ces différents événements et que tous soient motivés par la haine du Christ, des chrétiens, en premier lieu, et plus généralement le mépris de l'humanité, j'en suis de plus en plus persuadée. Mais il y a des hiérarques qui sont de vrais pasteurs: https://orthodoxe-ordinaire.blogspot.com/2023/10/alleluia-goire-dieu-un-vrai-eveque.html
Et voici une vidéo bien instructive:
Telegram: Contact @donbassinsider
jeudi 19 octobre 2023
Folie
L'hiver arrive avec une rapide brutalité. Hier, un peu de soleil transfigurait les derniers feuillages, et je me suis assise sur la terrasse, il est vrai avec ma doudoune, car j'avais la visite de Boris le cosaque, venu me parler de mon livre 'l'Autre Planète" année 17, et lui aussi aime à prendre l'air et la lumière. Je regardais le ciel, traversé de rayons, les asters, le sedum, tout ce qui va bientôt constituer une bouillie brune sous des couches de neige, et puis le ballet des mésanges autour de leur mangeoire, parmi les feuilles jaunes tourbillonnantes. On ne pouvait pas dire qu'il faisait chaud, quelque chose comme une journée venteuse de décembre dans la basse Drôme. La femme de Boris et Boris lui-même ont adoré le récit que j'ai fait de ma rencontre avec leur famille, la trouvant très justement décrite.
Boris reste perplexe devant les tentatives répétées de blanchiment de rouges, qui font pendant aux blanchiment de bruns, en même temps que de fric, dans l'Ukaine infestée, comme quoi, de chaque côté, on aime bien conserver son ennemi sous la caricature admise, c'est plus confortable pour faire marcher les couillons. Je lui ai dit: "Vous savez, je ne pense pas que le truc puisse revenir sous sa forme précédente, on cherche à justifier tout cela parce que la plupart de ceux qui sont au pouvoir sont issus de la nomenklatura, dont tous les parents avaient trempé là dedans." C'est la thèse de Nazarov, et elle est sans doute juste.
Un de mes correspondants sur VK ne cesse de me casser les pieds avec son révisionnisme, il me chante les louanges de Béria, et j'ai encore à la mémoire le témoignage d'une vieille actrice qu'il avait violée quand elle était jeune et expédiée illico au goulag, et qui en pleurait encore; j'avais utilisé cette histoire dans mon roman "Lueurs à la dérive". Demain, il me dira que Staline avait restauré l'Eglise dans ses droits, parce qu'il avait permis l'ouverture de quelques sanctuaires, pour mieux mobiliser les chrétiens obstinés, mais on continuait à arrêter et fusiller prêtres et croyants et à déporter et affamer les paysans. Dieu que je déteste les idéologies politiques et les idéologues! Je les vomis positivement, depuis la révolution française, jusqu'à nos jours, et j'inclus là dedans les brillants intellectuels du XVIII° siècle et leurs lecteurs frémissants qui ont rendu tous ces cauchemars possibles. Je n'ai même jamais compris l'engouement de mes pareils pour les mensonges politiques, et dire que ce sont ceux-là même qui critiquent la foi religieuse! Ils ne croient pas au caractère sacré et mystérieux du monde, mais ils écoutent avec vénération n'importe quel dictateur braillard et retors, n'importe quel satrape de la ploutocratie.
Depuis au moins deux cents ans que cela dure, enfin depuis qu'on a détruit les gardes-fous qu'étaient les monarchies, on en arrive maintenant au délire absolu, surtout en occident. Du reste, ici, en dépit des dérives néostaliniennes, le personnel politique ne perd, de nos jours et pour l'instant, ni la boule ni la mesure, quoiqu'on puisse lui reprocher par ailleurs; ainsi que le disait Slobodan Despot, "au moins, ils ne sont pas dingues", et je ne crois même pas qu'ils détestent leur peuple. Dans les pire des cas, ils se foutent des gens tant qu'ils ne les gênent pas. Mais en occident... j'ai l'impression que tout le monde devient fou. On entend tout et le contraire de tout. Des gens affirmer avec impudence des contre-vérités, des mensonges énormes, et cela passe, tout le monde gobe. Ceux-là même qui exigeaient qu'on ne fît pas d'amalgames quand les attentats et les incivilités frappaient des franchouillards, crient haro sur le palestinien, comme ils criaient haro sur l'Irak et la Syrie, ou sur le Russe, considèrent toute tentative de conciliation, de prise de recul, de réflexion, comme de la trahison pure et simple, et nous traitent de soumis quand nous refusons de nous faire manipuler et de pousser des clameurs à la commande.
Je travaillais encore à Moscou quand je remarquais que les traqueurs de fachos chez nous, les pourfendeurs de patriotes, d'identitaires et de cathos tradis, étaient totalement aveugles aux monuments qu'érigeaient les pays baltes à la Waffen SS ou aux discours banderistes qui se faisaient jour en Ukraine. Ce qui me devint encore plus évident après le Maïdan, avec les voyages extatiques de BHL au pays 404, lui qui traquait chez nous le drapeau français, les vielles-à-roue et les cornemuses, il ne trouvait rien à redire aux défilés avec croix gammées, aux drapeaux bleu et jaune, aux chemises brodées, pourvu que tout cela servît le chaos projeté et les intérêts obscurs de sa mafia propre sur elle. Silence radio de toutes ces grandes consciences sur les massacres au Donbass, sur les appels au meurtre délirants de la classe politico-médiatique ukrainienne, dont la nôtre était complice. J'avais d'ores et déjà bien compris qu'il y avait les bons et les mauvais morts, et récemment Enthoven me l'a confirmé, en affirmant qu'il y avait d'un côté des victimes, sur lesquels nous devions pleurer à juste titre, et les "dégâts collatéraux". Admirable. Mais le dernier symbole que j'ai vu, et qu'il faudrait encadrer, c'est la projection, à Lvov, du drapeau israélien sur une statue de Bandera. On peut dire là, que la boucle est bouclée.
Je tire mon chapeau à Sébastien Recchia, à son dernier "Restez couchés", où il démasque et pourfend tous ces guignols sinistres, contre lesquels notre population n'a pas encore, ou déjà plus, les anticorps nécessaires pour survivre à leurs miasmes. Il est vrai que les anticorps d'un peuple, c'est sa culture, son histoire et sa spiritualité, nous n'avons plus ni les uns ni les autres, qu'est-ce qui pourrait encore nous unir et nous sauver?
Je dis cela pour la France, mais cela menace le monde entier. Nous sommes la proie d'une maladie mentale planétaire qui nous atteint à des degrés divers. On peut sentir ça et là des signes annonciateurs de prise de conscience et de guérison. Dommage que les barrissements de rhinocéros, les ricanements de hyènes et les hurlements de possédés en étoufffent trop souvent l'écho.
Lvov |
mardi 17 octobre 2023
Au séminaire de Iaroslavl
le monastère de Tolga |
Le lendemain de la présentation de mes chroniques au café, il m'a fallu aller au séminaire de Iaroslavl, qui m'avait invitée à raconter ma vie et à chanter, sur la suggestion du père Mikhaïl, chez qui j'ai mis des tableaux. Le matin même m'appelle un monsieur français que je connais et qui a décidé de partir en Russie. "Il nous faut apporter aux Russes notre témoignage de Français", me dit-il. C'était bien de cela qu'il s'agissait au séminaire, mais j'avais autant envie d'y aller que de me pendre. Je me sentais faible, somnolente, à bout de nerfs, et ne savais même comment j'allais conduire pendant deux heures, à travers la pluie, sur cette route fatigante et dangereuse. Mais ce qui est dit est dit...
Le séminaire se trouve dans les vieux quartiers de Iaroslavl, qui sont rééllement féériques, avec ce mélnage d'églises médiévales fantastiques et de maisons baroques ou art nouveau. C'est l'ancienne mairie d'avant la révolution, et elle a été très bien restaurée, par l'Eglise. J'ai été accueillie par Andreï Grigorievitch, qui enseigne là bas, un homme charmant, et un prêtre tout aussi charmant, le père Artemi, qui a garé ma voiture dans la cour de l'établissement. Je ne savais pas trop ce que j'étais censée faire. Plus ou moins, parler de moi, de mon itinéraire,"apporter mon témoignage de Française". Ce que j'ai fait, et j'ai chanté une complainte bretonne sur la Vierge Marie et saint Jean Baptiste, la déploration d'Adam, des vers spirituels, je ne sais pas comment j'y suis arrivée, mais j'y suis arrivée. J'avais l'impression d'être au XIX° siècle, comme si le bâtiment avait la propriété de nous emporter à l'époque de sa construction. Une rangée de jeunes filles en uniforme nous a chanté des chants d'église, très bien, d'ailleurs, avec des voix pures et bien accordées. Une fillette naturelle et convaincue nous a récité un poème d'Essénine d'une façon vibrante. Le joueur de gousli Alexeï a interprété lui aussi des vers spirituels, et je regrette qu'il ne soit pas plus près, sa femme et lui ont l'air de prendre tout cela au sérieux, elle est musicologue. L'assistance était bienveillante, enthousiaste. A la fin, un prêtre est venu me demander mon prénom afin de prier pour moi, car je l'avais profondément touché. Une jeune femme m'a remerciée d'être venue: "Si vous saviez ce que cela représente pour nous et pour nos étudiants, ils se souviendront toute leur vie de ce que vous leur avez dit ce soir:" J'étais si émue que j'avais peine à retenir mes larmes.
Andreï Grigorevich n'arrêtait pas non plus de me remercier, et brûlait de m'emmener chez Pavel et Anna, des enfants spirituels du père Basile, chez qui je devais passer la nuit, parce que leur repas menaçait lui aussi de brûler ou de refroidir. Le père Artémi nous a emmenés chez eux en voiture, et en chemin, devisait avec moi sur Pereslavl, dont il est originaire, sur les transformations malheureuses qu'a subi la ville, les pollutions répétées du lac, dont l'eau était autrefois cristalline.
Pavel et Anna ont acheté une grande maison dans un quartier de datchas, près du célèbre monastère de Tolga, qui est très ancien et très beau. J'ai admiré la façon dont elle a été construite, bien mieux que la mienne. Mon infecte chienne, qui n'avait pas été acceptée avec un enthousiasme sans mélange, parce que le couple a deux magnifiques chattes écossaises aux oreilles pendantes, s'est dépêchée de me couvrir de honte en pissant sur le tapis, malgré une promenade préalable dans le jardin.
En dépit de cela, le repas excellent a été très chaleureux, nous avons appelé le père Basile, tout surpris de me voir là. Andreï Grigorievitch m'a demandé si je reviendrais, et le père Mikhaïl, entrevu au séminaire, aimerait aussi me voir, je trouve que Iaroslavl est un peu loin, surtout en hiver, mais ils sont si touchants, avec leurs visages inspirés, bons et sincères, et me témoignent une telle affection que je ne vais pas pouvoir faire autrement... C'est une très belle ville, j'imagine combien elle devait être ravissante il y a plus d'un siècle, lorsqu'elle n'avait pas subi de destructions ni de ruine...
Le lendemain matin, avant de me ramener au séminaire et à ma voiture, Anna m'a fait visiter le monastère de Tolga. Je l'avais vu il y a très longtemps, dans les années 90. Il a été complètement restauré, les fresques, les carreaux de céramique, tout a été refait, les jardins sont devenus un but de promenade, même pour les simples touristes, sur l'étang nagent des canards et des cygnes, il y a un peu trop de petits massifs à mon goût, mais c'est un très bel endroit. Les moniales ont constitué un parc de cèdres de Sibérie, et cultivent des plants, elles en ont donné quatre au père Basile. Leurs cèdres sont encore jeunes, mais j'imagine ce que ces arbres splendides doivent donner avec le temps, et de me trouver en leur puissante compagnie m'a fait un bien extraordinaire, alors que j'étais fatiguée et gelée. L'air, autour d'eux, est plus pur, il sent bon, et leur murmure si grave ressemble à une prière, je ne doute d'ailleurs pas que c'en soit une, "que tout souffle loue le Seigneur".
Ensuite, elle m'a emmenée dans une église vénérer les reliques de saint Ignace Brianchaninov. Il y avait une magnifique icône médiévale de la Vierge du Signe, que j'ai priée pour la France et la Russie, et tous les gens que j'avais vus au séminaire, ainsi que Pavel, Anna, et la mère d'Anna, une adorable vieille dame, qui aime comme moi les fleurs et les orchidées. Les fresques qui couvraient les voûtes étaient à mon avis contemporaines, mais elles s'inscrivaient très bien dans l'architecture, il régnait dans les lieux une paix mystérieuse où l'iconostase s'ouvrait comme un livre enluminé. En revanche, j'ai été sidérée par la mine renfrognée de la jeune moniale qui tenait la boutique attenante. Elle était franchement désagréable et réfrigérante, et je me demande toujours, dans ces cas là, qui ne sont pas rares, ce qui a décidé ces jeunes personnes à prendre le voile, si leur prochain leur paraît si insupportable.
Le froid est arrivé, des lambeaux d'or tremblent encore dans les forêts brunes, mais cela devient bien austère. Au retour, j'ai chargé la mangeoire des oiseaux en pensant aux tournesols qui viendront danser dans mon jardin à la belle saison...
Audace
La chaîne SPAS diffuse un extrait d'une homélie du métropolite Arsène, après qu'on a tiré sur la Laure de Sviatogorsk, située sur le territoire contrôlé par l'Ukraine. Le métropolite dit ouvertement que c'est l'Ukraine qui ouvre le feu sur son monastère.
https://vk.com/spastv?z=video-55490878_456495207%2F3a01d52248c2e89c8d%2Fpl_wall_-55490878
"Dites-moi, quels ennemis visait-on en tirant sur notre saint monastère? Des vieilles de quatre-vingts ans, les enfants qui vivent ici? Les femmes et les paralysés qui se trouvent ici? Ceux qui se tiennent dans l'église et prient la Mère de Dieu? Et on commence à inventer toutes sortes d'histoires, je ne sais pas ce qui a pu se passer dans la tête malade de cet homme, pour qu'il lève la main, et tire sur l'église de la Mère de Dieu. Les tirs proviennent d'une arme, et c'est confirmé par la police et le Ministère des Situations Extrêmes et les enquêteurs venus ici, qui a une portée de 500 à 900 m., sur notre monastère, sur l'Eglise de la Mère de Dieu. Si c'étaient, comme disent certains, des saboteurs, pourquoi ne les a-t-on pas arrêtés? Pourquoi a-t-on tiré à sept heures du matin, quand le soleil est déjà levé, que tout est visible et audible, qu'on ne peut se cacher nulle part? Et tout cela avec une impunité évidente? Pourquoi fallait-il tirer sur notre saint monastère? C'était juste de la folie? La haine de la Mère de Dieu? La haine de ceux qui vivent ici, dans ce saint monastère, parce qu'en plus d'y vivre, ils y prient? Quel fut le motif de cet homme? A quelle confession il appartenait? S'il est orthodoxe, comment sa mère pourra-t-elle prier devant l'icône de la Mère de Dieu pour son retour sain et sauf? S'il est catholique, les catholiques aussi vénèrent la Mère de Dieu, en Pologne et partout. S'il est protestant, eux aussi vénèrent le Christ et la Mère de Dieu. S'il est musulman, la vénération pour Mariam est inscrite dans leur Coran. Si tu es juste un mécréant, et déteste tout ce qui est religieux et te considère comme athée, ou peut-être païen, alors tu es quand même un être humain, et tu dois comprendre que tu tires sur un monastère où vivent des gens comme toi, des enfants, des femmes, des vieux, qui se sont rassemblés ici depuis leurs maisons détruites, leurs villages brûlés. As-tu un sentiment humain de compassion, ou bien n'es-tu pas un homme mais une bête, capable de tirer sur un saint monastère?"
"Voici des paroles très audacieuses, monseigneur, conclut le journaliste, très audacieuses".
Mon amie Liouba m'avait dit un jour que Dieu aimait les audacieux. Je prie pour ce métropolite tous les jours, ainsi que pour le métropolite Longin et ses orphelins, le métropolite Paul, le métropolite Luc, le métropolite Théodose et le métropolite Bessarion. Et aussi le métropolite Onuphre et son troupeau persécuté. Quand à ceux qui les conspuent: qui veut noyer son chien l'accuse de la rage.
Que la sainte Mère de Dieu le prenne sous sa Protection, que nous venons de fêter.
samedi 14 octobre 2023
Beaucoup plus haut
Hier matin, je me suis fait une obligation d’aller voir l’expo de peinture « l’Atlantide russe », un mouvement d'artistes qui voyagent à travers la Russie pour peindre ce qu’il en reste. Je trouve l’initiative sympathique et c’était dans notre paroisse. J’y ai vu le père Pantaleimon, on attendait l’évêque. Le chef du mouvement m’a reconnue et m’a rappelé que c’était moi qui l’avais mis en relations avec ce dernier. Il y avait de jolis tableaux qui magnifient un peu la réalité, mais c’est souvent ce que je fais aussi. C’est drôle comme avec le père Pantaleimon, je ne suis pas très à l’aise, j’ai l’impression qu’il me trouve bizarre, mais c'est sans doute me donner trop d'importance, il ne trouve certainement rien du tout; ou bien c'est moi qui ne me trouve pas très bien. En réalité, j’ai toujours été un peu en dehors des clous, et la mère Hypandia estime que j’ai un chemin spirituel particulier, qu’elle respecte.
L’évêque, je n’ai fait que l’entrevoir, je suis rentrée chez moi, car je devais prendre un cours
avec Skountsev. Il y a un peu de soleil entre les
nuages, je voulais en profiter, après nous aurons de la pluie pendant dix
jours. Les gens qui ont acheté la moitié d’isba de l’oncle Kolia sont en
train de la massacrer, et en plus du préjudice esthétique, ils font du bruit. Le
problème est que je ne peux pas cacher entièrement le désastre presque certain. J’ai un prunier
qui perd ses feuilles en hiver, on ne peut le remplacer, car il est quasiment
impossible à arracher, et derrière, c’est le canal. Rien qu’à leur voix, qui n’a plus rien de russe, on devine la mentalité des acquéreurs, et Ania m’a dit la même chose. Je
devrais ressentir plus de compassion que d’agacement pour les produits de la
modernité, ils sont comme les enfants-loups, qui n’ont pas fait leurs
apprentissages à temps, mais à vrai dire, il me semble qu’il vaut mieux être
élevé par des loups, que par la modernité. Avec les loups, on reste attardé,
avec la modernité, on devient souvent bête et méchant.
En fait, les gens conditionnés
deviennent enragés dès qu’on touche aux certitudes qu’on leur a enfoncées dans
le crâne, je le constate de plus en plus, avec l'Ukraine, ce n'était déjà pas triste, dans le genre, mais avec le Hamas et Israël, on va atteindre des sommets, et pour l'instant, je préfère me taire, et je pense que je suis loin d'être la seule. C’est valable pour les doxas politiques et c’est valable pour la
culture, laquelle est d'ailleurs trop souvent victime des doxas. J’en ai parlé ce matin
avec Sacha Joukovski, passé me voir, et avec Skountsev ensuite, sur Skype, à
propos du folklore. Je disais à Sacha que les gens du Donbass, si attachés à
leur langue, à leur appartenance à la Russie, n’avaient souvent plus aucune
idée de leur culture, comme le regrette le père Nikita. Ils chantent du rap ou de
la variété patriotique, qui sont loin, très loin d’égaler, sans parler du
folklore, les chansons soviétiques de la guerre de 40, et ces dernières sont
souvent abîmées par des orchestrations et des interprétations vulgaires et
hideuses, même à Moscou. Sacha me disait que dans un village près de Belgorod,
il avait voulu, avec les siens, enregistrer une nonagénaire, dont toute la
famille se liguait pour l’empêcher de chanter, et elle avait dû se cacher dans
le potager pour revêtir son costume traditionnel. Ils voulaient l’enregistrer
chez elle, dans son humble maison, et les proches exigeaient que cela se passât
chez eux, où il y avait des tapis, la télé et des tas de trucs affreux, signes
qu’ils n’étaient plus des péquenots, comme elle, mais des beaufs mal urbanisés avec un goût
dégueulasse . Les gosses ne voulaient pas apprendre les chansons de la
grand-mère, dès la maternelle, ils entendent et voient de la merde partout, et
on leur donne en exemple les petits singes des shows télévisés qui se
tortillent, maquillés et couverts de paillettes, avec des grimaces et des poses.
On leur apprend, depuis des décennies, à avoir honte de leur culture populaire
remarquable qui était, avec l’orthodoxie, l’essence même de l’âme russe .
Comme quoi, on peut tuer les âmes... quoique pas sûr. Quelque chose reste. Des
petites braises au milieu des cendres. C'est ce que disait une cinéaste dont j'ai déjà parlé, qu'après des décennies de rééducation, les gens ne savaient plus rien, mais que par un étrange miracle, ils gardaient le coeur russe. Ce n'est pas toujours vrai. Mais quand même, ce miracle existe.
Ces gens qu’on a dressés dans le reniement de leurs ancêtres sont souvent très agressifs avec ceux d’entre eux qui, par mémoire génétique ou disposition artistique, reviennent à ces sources oubliées et vilipendées. Ils mettent sous les vidéos de festivals folkloriques des commentaires atroces. J'ai vu par exemple ceux d'un imbécile qui disait des paysans qu'ils avaient autant de conscience que des lapins et se reproduisaient comme eux. Sans doute un de ceux qui considèrent que la famine des années trente était justifiée par le fait qu'il fallait nourrir les villes en priorité, on voit là toute l'affection que portait le régime à la Russie paysanne ancestrale, et le résultat est effroyable...
Parfois, au contraire, pour certains d’entre
eux, c’est une révélation. Ils avouent que cela touche en eux quelque chose de
très profond et s’accusent d’avoir envoyé promener leur grand-mère quand elle
chantait de pareilles choses. Ils peuvent, les malheureux, s'en repentir, il y a de quoi, mais qu'ils s'en repentent, c'est déjà bien. "Ils viendront un jour nous chercher, pour retrouver ce que nous aurons sauvé", me dit Sacha. Mais c'est que nous avons tellement perdu, et si vite. Et d'abord notre mode de vie. J'ai revu un documentaire que j'avais publié il y a quatorze ans, avec des chansons à rire, à danser et à pleurer, des chansons très anciennes qui sont des leçons de vie. Cette berceuse entrecoupée de sanglots. Et puis ce vieux couple, si lumineux. Et cette grand-mère: "Nous étions plus heureux, nous avions la vie plus gaie, nous chantions, nous faisions la fête ensemble". Dans un train des années soixante-dix, j'avais discuté avec une ouvrière à la retraite. Elle m'avait dit: "Je plains votre génération, nous avions la vie plus dure, mais plus joyeuse, et plus chaleureuse."
Le résultat est que même la
langue en souffre, devient moins musicale et moins savoureuse, comme en France,
d’ailleurs. Dans les chansons de variété, ou les pubs, je reconnais à peine le russe, il devient précipité, désagréable, vulgaire, comme dans le rap, en fait, toutes les langues, à la surface du globe, prennent quelque chose de martelé, de mécanique et d'affecté. En réalité, cette guerre qu’on fait aux peuples a pour résultat de
les casser en deux. La foule de la modernité universelle d’un côté, les Russes,
ou bien les Français, ou autre nationalité, de l’autre. Les peuples encore plus
ou moins enracinés, et puis les poissons de banc. Quand il ne restera plus que les poissons de banc, les requins s'en donneront à coeur joie. Avant de mourir d'une indigestion de plastique sur une grève empoisonnée. Et puis peut-être demeureront les résistants de tous horizons qui formeront une nouvelle humanité, ou bien se porteront à la rencontre du Christ, venu mettre fin à tout ce délire.
Heureusement que je suis ici, et pas en France, surtout en ce moment, je me répète cela depuis plusieurs années, mais j'ai de plus en plus de raisons de le penser. Et pourtant, la France me manque, celle qui n'existe plus. Est-ce que la Russie existe encore? Oui, quand même. Défigurée, hagarde, mais elle existe, et parfois redevient belle. La température remonte, et dans le vent fort et humide, je regarde les dernières fleurs, les derniers jeux de lumière à travers les feuillages jaunissants, et dire que tout cela sera bientôt sous la neige à tel point que l'été me deviendra irréel, un paradis perdu. Et quand la neige disparaîtra, elle finit quand même toujours par disparaître, j'aurai peine à imaginer que ce terrain marronnasse et boueux sera vite couvert d'une végétation luxuriante et difficile à discipliner. Je guetterai les premières miraculeuses étoiles des crocus, puis les trompettes des narcisses et des jonquilles, puis s'allumeront les lampes baroques des iris, les chapeaux de fée des héllébores et des ancolies, puis les aigrettes des astilbes... tout cela qui fait ma joie au bout du monde, dans l'espace boréal qui m'a aspirée.
A l'issue de ces réflexions, je conseille d'écouter Slobodan, qui marche un peu sur des oeufs, on le comprend. Le Présent éternel... Oui, l'amnésie rend stupide, l'humanité a la maladie d'Alzheimer. On l'a tellement manipulée "pour son bien" qu'elle est devenue complètement neuneu. Elle bave, elle pique des crises de nerfs, elle a des hallucinations. Soi-disant, seul le présent existe, le passé est mort, et le futur n'est pas encore. Bien que j'ai décidé depuis déjà longtemps de vivre selon le principe "à chaque jour suffit sa peine", je ne partage pas cette vision des choses, car j'en ai eu une, de vision, il y a des années, et le temps, ce mystère qui me fascine, m'est apparu d'une autre manière. J'ai vu qu'au contraire, c'était le présent qui n'existait pas. C'est juste l'écume de l'énorme masse du passé, de cet océan des destins, la Mémoire éternelle, celle qu'on ne perd jamais, parce que ce temps élastique comme la mer est sans cesse pénétré et renouvelé par Dieu, et par tous les destins qu'il dévore, les moments qu'il engloutit. Le présent est une transition, l'instant où ce qui a été s'éboule dans ce qui advient. Sans passé, pas de présent, et pas d'avenir.
https://www.youtube.com/live/NhTvJ-EPnhs?si=38TsaaFFv6Zsq1cF
Ce matin, je suis allée communier pour la fête de la Protection de la Mère de Dieu, fête de la paroisse du père Valentin, de notre monastère de Solan, qui la célèbre selon le calendrier grégorien, protection dont nous avons tous bien besoin, la France et la Russie contre les robots, le monde entier contre les robots. J'ai avoué au père Andreï que j'étais victime d'un soupçon d'acédie. "Ah non, il ne faut pas avoir le cafard, le cafard russe est pire que le spleen anglais!
- Oui, mais voyez, la situation est telle... et puis on m'envoie des articles sur l'installation de la dictature électronique en Russie etc.
- Voyons, voyons, nous, nous savons bien d'où tout cela provient, et vous comprenez, en Russie, il ne faut pas perdre de vue que ce n'est pas au niveau du Kremlin que les choses se passent, mais beaucoup, beaucoup plus haut: priez!"
J'ai communié avec un sentiment de joie profonde, et l'eucharistie me paraît depuis quelques temps avoir une saveur merveilleuse, réellement vivante, douce et bénéfique. De plus, à la cathédrale, je me sens quasiment en famille. au moment où je suis venue baiser la croix, le père Andreï l'a posée sur ma tête: "Maintenant que vous êtes vraiment russe, Laurence, ne désespérez pas, priez!"
l'Atlantide russe |
mercredi 11 octobre 2023
De Kiev à Moscou
Pour ceux qui l'avaient demandé, voici le lien de l'enregistrement de ma soirée au musée d'Alexandrov, je ne l'ai pas encore regardé, parce qu'à vrai dire, je n'aime pas trop me voir, cela plaît aux autres plus qu'à moi.
le métropolite Théodose, cinq ans de prison pour avoir aimé la Russie... |