|
Photo Thierry Legault |
C’est avec
consternation, et une sorte de terreur sacrée, que j’ai appris l’incendie de la
cathédrale de Nantes et la disparition de son orgue vieux de 400 ans. Quand
Notre Dame a brûlé, j’ai su que c’était le début de la fin, que tout l’héritage
de la France encore miraculeusement conservé allait subir le sort de celui de
la sainte Russie, qui n’existe plus qu’à l’état résiduel, et que risquent d'achever l’incurie,
l’ignorance, la cupidité et la stupidité. La différence est que ce qu’il reste
de Russes se mobilise avec l’Eglise orthodoxe pour tenter d’en sauver les
vestiges, car ils sont considérés par ce petit troupeau comme quelque chose de
sacré, il arrive même que des incroyants y tiennent encore par
patriotisme. Alors qu’en France, il
serait plus difficile, me semble-t-il, de regrouper la résistance autour des
merveilles léguées par nos ancêtres, et qui
sont non seulement belles, mais pleines de sens, car tout ce qu’on
faisait au moyen âge était avant tout porteur de sens. Chaque sanctuaire était
en soi un livre saint et un reliquaire, chaque sanctuaire est un message qui
nous est adressé à travers les siècles, et je ne parle pas de la dimension
mystérieuse qui, en Russie, fait même des icônes ou églises décadentes, qui ont
perdu ce sens, et ne le transmettent pas, lorsqu'elles sont « imprégnées
de prières », comme on dit ici, des objets chargés. Ainsi en est-il de l’icône
sentimentale, académique et opaque devant laquelle priait saint Séraphin de
Sarov. Dans cette perspective, le père Placide, par exemple, se souciait peu de
l’authenticité des reliques car, disait-il, à partir du moment où des
générations de gens avaient prié devant elles et les avaient honorées pendant
des siècles, elles avaient quasiment la même vertu que des reliques
authentiques. On voit même ici des copies d’icônes miraculeuses disparues
prendre les vertus des originaux.
Même quand on ne
comprend pas, faute d’avoir été élevé dans cet esprit, l’importance et le sens
de ce langage visuel de l’architecture sacrée et de l’iconographie, il arrive
qu’on le reconnaisse, c’était ce qui m’était arrivé dans ma jeunesse. On devine
à l’harmonie générale de ce qu’on voit, qu’il s’agit d’un langage cohérent qui
parle à l’âme sans passer par les mots, mais que les mots ou plus simplement le
Verbe et l’Ecriture sous-tendent. Les instits et les profs laïcards nous
disaient que c’était pour instruire de l’histoire sainte les analphabètes
médiévaux, comme les affiches de propagande soviétique cherchant à persuader le
paysan russe de l’importance de la mécanisation, ce qui prouve à quel point cet
art leur passait déjà loin au dessus du bonnet, alors qu’il touchait n’importe
quelle personne des siècles passés, en cela qu’il ne suppléait pas à l’écrit
pour les ignares, mais apportait un complément spirituel indicible à ce qui
était exprimé par la lettre.
La disparition
programmée de tout cela depuis deux cents ans est une catastrophe, car tous les
témoignages permettant aux âmes perdues de s’orienter seront bientôt éliminés,
chaque église qui brûle est un phare qui disparaît dans les ténèbres montantes. Mais les misérables antifas s’en réjouissent,
dans leur vilenie sans remède, en clamant que les « seules églises qui
éclairent sont celles qui brûlent ».
Pour un esprit
médiéval, tout est signe sur le grand livre de la vie, ce que reflètent les
sanctuaires anciens, et je trouve personnellement troublante la coïncidence de
l’apparition de cette comète exceptionnellement belle avec les craquements
sinistres qui annoncent de toutes parts le naufrage de notre Titanic. La France
se meurt, la civilisation chrétienne se meurt. Le Français de base sent
obscurément que cela va très mal, mais lorsqu’il revendique sa qualité de Français,
il exhibe généralement le saucisson-pinard, une pinup dépoitraillée, la
minijupe tricolore au ras des fesses et la cigarette au bec. Des gilets jaunes
s’indignaient que l’on envisageât de restaurer Notre Dame, plutôt que de
consacrer cet argent à « quelque chose d’utile », et malheureusement,
plein d’homo soviéticus ont le même réflexe ici, et avec une haine écumante. En
cela, on peut dire que la mutation a été réussie, du Russe obstinément médiéval
de l’avant 17, en petit-bourgeois européen mesquin, comme nous en ont fabriqué
par millions l’alliance satanique de la révolution et du capital, auquel la
première a permis de prendre son essor, sans être plus gêné par un roi ou un
tsar, une Eglise et des structures organiques millénaires qui limitaient les
appétits des crocodiles.
Au moment où l’on
apprend qu’un « réfugié » rwandais, employé par le diocèse, serait l’auteur
de l’attentat, la main qui a craqué l’allumette, au moment où les gros abrutis
de la LDNA se réjouissent bruyamment de voir incendier une cathédrale médiévale
construite selon eux, avec l’argent de la traite des noirs qui n’existait pas
en ce temps-là, je tombe sur cet échange de commentaires à propos de l’évènement :
- V. Z. Ce n’est pas grave. Il suffit que
tous les chrétiens se mettent dans la prière et s’en remettent à notre Sainte
Mère Marie ! Les édifices ne sont pas aussi importants que les âmes !
- R. R. Un chrétien endormi c'est le triomphe du
diable
- V. Z. Exactement et il fait tout pour ça à
travers la lucarne «magique » !
- R. R. Les Soldats Du Christ on pour but de sauver
notre patrie, notre foi et non pas comme des cathos fragiles, mais bien solides
campés sur leurs deux pieds. Nos églises nous allons les défendre, notre foi
aussi.
Un pour tous, tous pour DIEU.
- V.Z. Notre
Foi, notre Croix certainement car ce n’est pas du matériel. Le reste n’a que
valeur vénale. Soyons logiques. Ils veulent que nous réagissions, que nous
prenions les armes ? Prenons le contrepied de ces inversés du bocal. Chantons,
louons Celui qui nous a permis de venir et d’expérimenter ici-bas. La colère
est œuvre des ténèbres, la Joie, la Louange, la vraie Foi est œuvre Divine.
Restons ou mettons-nous dans cette démarche et cette énergie, vibrons haut et
fort l’Amour Inconditionnel, l’Amour Universel et ces forces obscures n’auront
aucune prise sur nous. Restons soudés et solidaires, comme tu dis les deux
pieds bien ancrés et rien ne pourra nous ébranler !
Dieu veille sur
tous ses enfants, sans jugement, faisons-en autant !
Ne jugeons pas, n’ayons comme seule «arme »
notre Foi !
Je ne parle pas de religions qui ne font
qu’enfermer dans des dogmes et des rituels mais bien de Foi en l’Energie Divine
qui est en toute chose et en tout être vivant du virus à l’humain en passant
par les plantes et tous les animaux.
Nous ne sommes que ondes, fréquences,
vibration, intensité, amplitude et notre «enveloppe » n’a que peu d’intérêt en
définitive donc nous n’avons même pas à la défendre.
La seule chose que nous devons défendre est
notre âme. Ne la souillons pas avec la violence !
- R. R. Croire
en Dieu sans l'adorer dans son église, c'est comme aimer sa femme sans jamais
lui faire l'amour.
- E. S. Il faut
lire l'évangile en grec. Le Christ n'a pas fondée une "église" mais
une assemblée. L'église est la récupération et la création par l'état romain
d'une idéologie à son service.
Je salue tout d’abord la santé psychologique et
spirituelle de R.R. Un chrétien chevaleresque, un vrai Français. Sur ce qu’il
dit, je n’ai pas de commentaires à faire, c’est V.Z. qui m’atterre. « Ce n’est
pas grave », dit-elle « les édifices ne sont pas aussi importants que
les âmes ». Oui, en effet, c’est théoriquement vrai. Le père Basile trouve
que j’attache trop d’importance au sort de sainte Sophie, et me prédit que tout
sera détruit, certes, certes, je reconnais que j’ai du mal à passer par-dessus la
disparition de tout ce qui nous a été légué, pour les raisons que j’expose au
début de l’article. Mais « Ce n’est pas grave » ? En tant qu’orthodoxe,
je ne peux pas dire que la destruction d’une église, d’une icône, d’une relique
n’est pas grave, et cela pour toutes les raisons que je viens d’évoquer. L’iconoclasme
qui a suivi Vatican II a donc produit des hordes de « cathos fragiles »,
comme les appelle R.R,, pour lesquels l’incendie de Notre Dame, celui de la
cathédrale de Nantes, ce n’est pas grave, et qui ne lèveront pas le petit doigt
pour défendre ce patrimoine qui leur est devenu complètement étranger. J’insiste :
ce ne sont pas des petits gauchistes élevés par le trotskisme soixante-huitard,
mais des catholiques. V.Z. enfonce le clou de notre cercueil : tout ça c’est
du matériel, donc cela n’a aucun intérêt, elle vit dans l’abstraction pure. La
cathédrale est même quelque chose de « vénal », elle n’a plus aucune
idée de ce qui présidait à l’édification d’un tel monument, et n’est pas
pourvue des récepteurs permettant de comprendre ce qu’il a à nous dire. C’est-à-dire
que pour être idéologiquement clean, un bâtiment religieux doit être pauvre, utilitaire,
minimaliste et moche, comme les églises en béton des années 50, avec des slogans
neuneus du genre «Dieu vous aime » et des photos de petits enfants du
tiers-monde, beaucoup plus intéressants que les nôtres dans le rôle du prochain
à chérir, bien que beaucoup plus lointains sur le plan géographique et
culturel. Nous en arrivons logiquement à l’assertion suivante :
Je ne parle pas
de religions qui ne font qu’enfermer dans des dogmes et des rituels mais bien
de Foi en l’Energie Divine qui est en toute chose et en tout être vivant du
virus à l’humain en passant par les plantes et tous les animaux.
Nous ne sommes qu’ondes, fréquences,
vibration, intensité, amplitude et notre «enveloppe » n’a que peu d’intérêt en
définitive donc nous n’avons même pas à la défendre.
Elle conteste l’idée même de religion, et bien sûr de
dogme et de rituel, c’est-à-dire l’Eglise, cette Eglise qui met en communion
transversale tous ceux qui en font partie, dans le plan du présent, et dans le
plan du passé, et qui les relie justement avec les bâtisseurs de la cathédrale
de Nantes et l’artisan de son orgue. Elle vibre, petit atome solitaire, avec l’énergie
divine, voilà ! Toute cette expérience, toutes ces révélations
antérieures, elle n’en a pas besoin. Entre parenthèses, les plantes et tous les
animaux sont pourtant bien aussi matériels que la cathédrale, ou bien celle-ci
n’est-elle pas investie de cette vibration salvatrice ? En tous cas, elle
n’est pas branchée dessus, ça c’est clair. Que l’idée même de l’Eglise soit
réduite dans la tête de ces gens à des dogmes et des rituels dont ils ne comprennent absolument pas le sens est
attesté ensuite par un troisième personnage : Le Christ n'a pas fondé une "église" mais une assemblée.
L'église est la récupération et la création par l'état romain d'une idéologie à
son service. En grec, justement, église veut dire assemblée. En réalité, le
mot russe qui concrétise cette notion dépasse largement le sens d’assemblée, il
s’agit d’une mise en communion dans le corps du Christ, et ce mot a la même
racine que celui qui signifie cathédrale, de sorte que pour un esprit médiéval
comme le mien, la cathédrale est la concrétion de cet esprit de la communion en
Christ, comme le coquillage est le produit de l’animal qui l’habite. Le rituel
qui s’y déroule est la manifestation de l’existence de cette communauté trans temporelle
et trans spatiale, le dogme est la loi interne qui garantit le legs de l’Esprit,
un peu comme le code ADN permet de répliquer le vivant sans engendrer n’importe
quoi. Apparemment, pour beaucoup de gens, ce code de l’Eglise est complètement
brouillé, et l’on voit surgir ce genre de moutons spirituels à cinq pattes ou à
trois têtes qui vont chacune nous raconter quelque bêtise paradoxale, mais
compatible avec la confusion politiquement correcte ambiante, et la religion du
futur vibrante et new age.
R.R. a raison de parler de cathos fragiles. Il n’y a pas grand-chose
de ferme et de centré dans de telles âmes qui flottent comme des algues
déracinées sur l’océan des vibrations énergétiques. D’une certaine façon, je ne
nie pas que tout soit traversé par les énergies divines, et pour moi, la
matière même est spirituelle, elle est émanation de l’Esprit, perpétuellement
engendrée par son Souffle. Mais c’est précisément ce que me disent les
somptueuses coquilles laissées sur les tristes rives de nos derniers temps par
le travail et la prière commune de nos ancêtres. Si ces bâtiments sont si
profondément harmonieux et si mystérieusement chargés, c’est qu’ils ne sont pas
le produit d’un unique architecte qui fait tout exécuter par des corps de
métier, sur ordre d’un riche et puissant commanditaire, mais celui d’un effort
et d’une prière collective qui avait cristallisé de cette manière, unissant
tous les acteurs de l’affaire, depuis le seigneur et les marchands jusqu’au tailleur
de pierres, et le paysan qui les nourrissait. Même l’orgue, plus tardif, que de
travail, que de savoir-faire, que d’amour, que de sens de la musique
universelle n’y avaient pas mis ceux qui l’avaient fait et qui nous l’avaient
légué… Mais les cathos fragiles se foutent eux-mêmes de la cathédrale et de son
orgue, tout cela est trop matériel et trop vénal pour eux, et c’est sans doute
parce qu’ils ne m’offraient pas de m’inscrire dans le puissant et vital Esprit
qui avait engendré tout cela que j’ai préféré devenir orthodoxe et que j’ai
fini par partir en Russie. Toutes nos magnifiques cathédrales, nos cloitres et
églises romans, sont trop souvent devenus des coquilles vides pour ceux-là même
qui prétendent encore venir y prier, et qui préfèrent un hangar en béton démocratique,
avec les photos des « réfugiés » qui ne rêvent que de leur faire la peau.
C’est très difficile à vivre, mais le père Basile a raison, tout sera détruit par
les gnomes. Si Dieu permet que le feu des impies consume nos cathédrales, c’est
qu’il y a trop de V.Z. et plus assez de R.R., sans parler des légions
infernales et de leurs gardes rouges noirs. A quoi bon laisser tout ceci à des
gens qui n’y comprennent plus rien ? Moi-même je sentais dans ma jeunesse
à ce point le hiatus entre ces merveilles sacrées et ceux qui y allaient le
dimanche que j’ai fini par me convertir dans une église émigrée installée dans
le garage d’un pavillon de banlieue, parce que si pauvre fût-elle, elle m’offrait
la splendeur vivante de ses icônes pleines de sens, de son rituel plein de
noblesse.
Je regardais les gisants du duc de Bretagne et de sa
femme, encore cette fois épargnés par l’incendie de la bêtise haineuse et de la
vilenie déchaînée : ils nous parlent d’un autre peuple qui était nous.
Beaux et nobles, couchés dans leurs draperies, bien loin des gnomes, des orques,
et des immondes satrapes en costars du Mordor, des empereurs usuriers de la modernité hideuse, ils nous
attendent déjà dans les profondeurs de l’océan éternel, là où la rouille n’attaque pas et où le ver ne ronge
pas, dans la lumière sans déclin, dans la Jérusalem céleste. Et la comète posée
sur l’archange saint Michel, tout au sommet du mont du même nom, vient me le
confirmer de son éclatant paraphe.